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29/04/2013

Matérialisme et darwinisme (suite et fin)

L’évolution des espèces est une chose. La théorie de Darwin qui prétend l’expliquer en est une autre. Les darwiniens font semblant de ne pas le savoir et confondent les deux, quand ils s’adressent aux profanes, pour discréditer leurs contradicteurs. Cela leur est nécessaire car ils ont besoin de financements et craignent la concurrence. D’ailleurs comment faut-il entendre l’évolution ? Certainement pas à la manière de Darwin car l’archive paléontologique dément sa conception d’une transition lente et graduelle faisant apparaître de nouvelles espèces à partir de plus anciennes. C’est tellement vrai que Niles Eldredge et Stephen Jay Gould ont inventé la « théorie de l’équilibre ponctué », qui vise à sauver ce qui peut l’être de la théorie darwinienne en tenant compte de l’absence de formes intermédiaires dans les fossiles, ces fameux « chaînons manquants » qu’on a renoncé à trouver après un siècle et demi de vaines recherches. Selon Eldredge et Gould, les espèces restent identiques à elles-mêmes, sans la moindre évolution, dans un état de stasis pendant des millions, des dizaines de millions ou même des centaines de millions d’années (c’est ce que désigne le terme « équilibre ») puis, soudain, elles se transforment en de nouvelles espèces ou phila en un lapse de temps très court (c’est la « ponctuation »). De la sorte, elles laissent des traces fossiles trop peu nombreuses pour qu’on ait des chances raisonnables de les découvrir. Cependant nos paléontologues ne peuvent pas gagner sur les deux tableaux. Le darwinisme compte sur une évolution extrêmement longue pour rendre tant soit peu vraisemblable l’apparition (par hasard !) de nouveaux organes d’une immense complexité. En colmatant un trou, ils en ont creusé un autre. Leur prétendue théorie n’est qu’une hypothèse ad hoc branlante, voire totalement arbitraire. Ils n’invoquent aucun  mécanisme rendant compte de la frénésie évolutionniste qui saisit telle ou telle espèce à tel ou tel moment. 

Les partisans du « dessein intelligent » s’appuient sur des faits non contestés et sur le concept de « complexité spécifiée », introduit par le chercheur Leslie Orgel en 1973 dans son livre : The Origins of Life. Orgel s’en servait d’une manière vague, sans le définir précisément. Il est devenu aujourd’hui un critère statistique permettant d’identifier l’intervention d’un agent intelligent. Les savants qui travaillent à l’Institut SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) ne font pas autre chose quand ils enregistrent au moyen d’un instrument parmi les plus grands du monde (le radio-télescope de Puerto Rico) les ondes venant de l’espace à l’affût d’un signal portant la signature d’un émetteur intelligent. Si les Etats Unis financent de telles recherches, c’est parce que les savants sont d’accord entre eux sur le fait qu’il est possible de distinguer, objectivement un bruit de fond (aléatoire) d’un signal codé intentionnellement au sens où on y reconnaît la « complexité spécifiée » à laquelle je viens de faire allusion. Dembski et Wells citent un exemple imaginé par l’astronome Carl Sagan dans son livre Contact. C’est une suite telle que celle-ci II III IIIII IIIIIII . . . et ainsi de suite à savoir la série des nombres premiers. Quand la probabilité d’un tel signal tombe au-dessous d’un certain seuil, on conclut qu’il n’est pas fortuit mais intentionnel.

Un des rares auteurs qui discutent avec sérieux les thèses de Dembski est Paul Clavier[1] . Je conclurai cette note par un examen critique de son argumentation qui allie la rigueur à d’étranges défaillances logiques. Voici comment il résume un passage de William Dembski invoquant la comparaison suivante : « un simple piège à souris, qui pourtant ne résulte que de l’assemblage de cinq parties ne peut être expliqué par la sélection naturelle. Or le flagelle bactérien [beaucoup plus complexe…] nécessite au moins quarante protéines pour l’assemblage de sa structure. Donc a fortiori  [ce résultat] réclame l’intervention d’une intelligence conceptrice »[2]. Clavier ne répond rien mais ne se laisse pas convaincre. « Il est clair, dit-il, que tout le monde admet que les pièges à souris sont largement le fruit d’une conception intelligente ». Eh bien c’est faux ! Notre auteur est victime ici d’une distraction malencontreuse car à la page 80 de son livre il cite un adversaire du D I, Kenneth Miller, qui tient pour plausibles et pertinents des scénarios conduisant à la fabrication et l’assemblage des éléments d’un piège à souris par sélection naturelle ! Les partisans du D I n’ont aucune peine à montrer que l’intervention de l’intelligence est indispensable pour ordonner les différentes étapes d’un tel processus. Clavier leur donne implicitement raison mais leur adresse quand même l’« objection »  suivante : « Au lieu de parler [au sujet du flagellum bactérien] en termes de défi a priori insurmontable, il est préférable de parler de programme de recherche » (p 96).

L’auteur reconnaît ainsi à son corps défendant que les partisans honnis du D I fixent le programme de recherche des darwiniens. Ils leur rendent, ce faisant, un service empoisonné car ces messieurs choisissent en général d’ignorer la théorie du D I ou la traitent par le mépris. Clavier répète que le biologiste doit pouvoir continuer sa recherche d’une solution au problème posé par l’apparition du flagelle (ou l’évolution de la girafe) mais comment le pourrait-il s’il nie la difficulté ? Dembski, qui n’a pas été réfuté, peut au moins revendiquer le mérite  d’avoir soulevé une question authentiquement scientifique et troublé le sommeil dogmatique de quelques-uns. En revanche, le raisonnement de notre philosophe repose sur une pétition de principe. La biologie darwinienne est philosophiquement (méthodologiquement) matérialiste. Cette philosophie est vraie parce que la science est vraie. Aucune objection à son encontre n’est recevable car la solution des problèmes de la science appartient à l’histoire de la science dont l’avenir est pour ainsi dire infini, ce qui permet d’en appeler commodément à la postérité pour répondre à notre place quand on est réduit à quia. L’auteur revient inlassablement à une tautologie : un biologiste est un biologiste. Mais que se passe-t-il quand la biologie darwinienne (et pas la biologie tout court) se heurte à ses limites et ses contradictions ? Ne faut-il pas en tirer certaines conséquences ? Par ailleurs, en bonne logique, la charge de la preuve incombe au darwinisme car la thèse du DI est négative. Elle signale avant tout les impasses d’une théorie caduque depuis longtemps. Or c’est un principe irréfutable que « De negativis non est probandum », « on ne peut prouver des propositions négatives » qui rejetteraient la supposition selon laquelle les darwiniens répondront un jour aux réfutations. Encore une fois celles-ci s’appuient sur des faits positifs et les partisans de la « déduction à partir du dessein » (Design Inference) ne disent rien, dans leurs livres, sur la nature de cette intelligence dont ils se contentent d’établir  l’intervention.         



[1] Paul Clavier enseigne l’histoire de la métaphysique et la philosohie de la religion à l’Ecole Normale Supérieure de Paris.

[2] Cf. Paul Clavier Qu’est-ce que le créationnisme, Vrin, Paris 2012 p 96 qui cite W. A. Dembski The Design Inference. Eliminating Chance through small probabilities, Cambridge University Press 1996.