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04/06/2012

Vers et poésie

 

Le modernisme n’a pas privé la seule peinture de l’essentiel de ses pouvoirs, ouvrant ainsi la voie au non-art pur et simple. Dans d’autres disciplines artistiques, un certain dépérissement est également perceptible quoique infiniment moins marqué. En relisant Athalie j’ai réfléchi sur la perte immense qu’a représenté l’abandon par la poésie de ses formes versifiées. Le stupide XXe siècle n’a pas compris que moins de contraintes signifie moins de ressources ; et qu’une forme (le vers), en elle-même sans valeur, peut produire de formidables effets de sens quand elle est au service d’une pensée. Considérez, entre mille autres exemples, cette stichomythie :

Athalie

[…] D’un fantôme odieux, soldats délivrez-moi.

Joad

Soldats du Dieu vivant, défendez votre roi.

Didascalie : Le fond du théâtre s’ouvre […] et les lévites armés sortent de tous côtés …

L’antithèse frappante entre « moi » et « roi » est renforcée par la rime qui, symétriquement, oppose à l’intérêt personnel du tyran aux mains sanglantes, la fonction de souveraineté impersonnelle de celui qui est l’image de Dieu, eikon basiliké, selon le titre grec de l’apologie attribuée à Charles Ier d’Angleterre. Racine n’aurait pu foudroyer la reine usurpatrice et impie de ce coup de théâtre sublime sans la régularité du vers classique.