11/11/2012
Contre les supercheries pseudo-scientifiques
Il y a de fausses sciences comme celles dites « occultes » et des idéologies qui déguisent une métaphysique matérialiste primaire sous les oripeaux d’une logomachie creuse dont le vocabulaire, mais pas les concepts sont empruntés à la physique. Les dossiers de la Recherche N° 48, avril 2012 nous en offrent un bel exemple. Sous la signature de Nicolas Mignerey nous lisons : « Au commencement, il n’y avait pas le Big Bang ». Cette expression recouvrirait, nous dit-il, « une théorie selon laquelle l’Univers a traversé une phase très dense et très chaude ». Cette théorie serait-elle fausse ? Mignerey n’ose pas avancer une telle énormité. Il préfère s’en prendre à un adversaire imaginaire plus commode. Il poursuit donc : « En extrapolant, il est tentant d’imaginer que quelques instants plus tôt, l’Univers se résumait à un point, de dimension nulle et d’énergie infinie […] Mais cette extrapolation n’a pas de sens : elle se heurte au ‘’mur de Planck’’. En-deçà […] toutes nos théories physiques perdent leur sens. A cette échelle la relativité générale comme la mécanique quantique sont incapables de décrire les phénomènes ». Or, n'en déplaise à Mignerey, l’état qui correspond au « mur de Planck » est exactement ce qu’on appelle « Big Bang » : le commencement de l’univers en entendant par ce dernier terme la totalité de l’étant dont on peut parler en termes scientifiques. Ce commencement est absolu car il est aussi celui du temps. En l’absence de temps, on ne peut se référer à un « avant » qui est une notion temporelle. De plus, soit dit entre parenthèses, l’extrapolation que dénonce Mignerey est celle des savants eux-mêmes qui ne disent pas Big Bang, terme ironique inventé par Fred Hoyl, mais « singularité » qui désigne un état limite auquel on parviendrait en remontant en pensée le temps. Apparaîtraient alors dans les équations des zéros et des infinis paradoxaux. On ne peut les éviter qu’en se situant au-delà du « mur de Planck ». En toute rigueur les astrophysiciens et les métaphysiciens informés ne prétendent pas remonter en deçà. Ce faisant ils restent néanmoins dans le cadre de la théorie du Big Bang qu’impose la dilatation de l’espace démontrée par les observations astronomiques. Notre univers a donc un commencement qu’on peut dater de 13,7 milliards d’années. Il est vrai que la précision de cette datation ne peut dépasser une fraction infinitésimale de seconde (un milliardième de milliardième de milliardième …) mais qu’est-ce que cela change ? C’est un usage courant chez les physiciens de simplifier leurs équations en négligeant des grandeurs aussi minimes.
A ce point il n’est pas inintéressant de s’interroger sur ce qui motive Mignerey. Pourquoi pose-t-il abruptement une thèse manifestement fausse : « au commencement il n’y a pas le Big Bang » ? Pour que cette thèse soit fondée il aurait fallu qu'il y eut un "avant" le Big Bang, ce qui n'est pas le cas. En fait il s’agit pour lui d’écarter non tellement l’idée du Big Bang que celle du commencement et donc de la chiquenaude divine qui a tout mis en branle. Il est vrai, cependant, que la cosmologie scientifique est incapable de nous faire remonter à l’instant de la création ex nihilo. Il y a déjà quelque chose au moment où ce quelque chose de très petit, de très dense et de très chaud entre en expansion. Le « mur de Planck interdit à la science de répondre à la question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien » sur laquelle seule la religion a des lumières. Par suite de cette limite structurelle, la division des magistères ne peut être surmontée. Les uns ne doivent pas empiéter sur les compétences des autres faute de quoi ils seront piégés par diverses formes d’intégrisme ou de charlatanisme dont celles qui se réclament de la science sont d'autant plus pernicieuses qu'on s'en méfie moins.
18:28 Publié dans Philosophie, Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fred hoyl, max planck, nicolas mignerey