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07/04/2009

Didi Huberman en extase devant un cube

 

Après la panique des spéculateurs boursiers nous pourrions assister à une panique des spéculateurs sur le marché du non-art. Déjà les cotes des soi-disant "artistes contemporains" ont dégringolé. Leurs ventes qui avaient atteint chez Sotheby’s et Christie’s respectivement 316 et 325 millions de dollars en 2007 ont été réduites en 2008 à 125 et 114 millions. La dernière vente aux enchères de Pinault a été un échec que les médias ont préféré taire. Certains se prennent à espérer que la crise pourrait nous débarrasser de cette barbarie. Je n’y crois pas trop. Les intérêts en jeu sont trop énormes. Qu’on pense aux milliardaires mégacollectionneurs, aux centaines, que dis-je, aux milliers de musées d’art contemporain de par le monde, aux fonctionnaires dont les achats ont rempli ces espaces avec l’argent du contribuable. Si tout cela se révélait être du vent, ce n’est pas seulement un capital monétaire qui serait réduit en poussière, c’est aussi du capital symbolique. Que deviendraient les pseudo-intellectuels qui ont fait ces réputations usurpées ; tel ce  « critique d’art » pour qui le pot de fleur de Raynaud, par exemple était une « forme sublime » ? Et puis le maintien de l’ordre social exige aux yeux du pouvoir que nous croyions à notre chance de vivre à une époque comme la nôtre. Si l’on admettait qu’un pot de fleur (ou de peinture) est simplement un pot, l’autocélébration de cette époque serait discréditée tout comme le discours convenu de nos autorités académiques sur l’art contemporain.

Une de ces autorités, en réalité un aigrefin dans le style du conte d’Andersen : « Les habits neuf de l’empereur », est Didi-Huberman. Dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, il a commenté  admirativement un cube en acier de Tony Smith en réussissant le tour de force de présenter ce volume comme une « sculpture » et même « comme un quasi-autoportrait ». Cette transfiguration est opérée par la magie du verbe. Voyez comme il s’entend à créer une atmosphère en nous disant que l’objet intitulé Die « ne nous inquiète pas seulement à travers l’obscurité de sa masse. Elle nous inquiète aussi à travers l’indécision qui s’y joue perpétuellement d’une verticalité et d’une horizontalité ». Didi-Huberman ne semble pas savoir que les arêtes verticales d’un cube sont, par définition, égales aux horizontales. En cela, il n’y a nulle « indécision » et aucune raison de nous inquiéter. Je précise tout de suite, pour parer au cliché avant-gardiste habituel, que je ne me sens aucunement « dérangé » par la construction géométrique de Smith. En revanche que Didi-Huberman y voie « une œuvre au sens fort du terme » m’inquiète beaucoup (pour lui).          

Les œuvres d’art au sens propre n’étant pas du n’importe quoi peuvent susciter des réflexions très variées mais pas n’importe lesquelles. Leur commentaire est contraint par leurs caractéristiques objectives. Il n’est pas loisible à chacun de délirer à sa guise devant un tableau de Poussin comme le fait Didi Huberman devant la vacuité minimaliste de Smith.

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