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06/08/2009

L'humanité à la croisé des chemins

Le capitalisme et la technoscience sont les principaux responsables du déclin de l’art à notre époque. Cet effet a été obtenu à la fois directement et en faisant reculer la religion du moins dans le continent qui avait été le foyer le plus brillant de la civilisation depuis vingt cinq siècles. L’homme n’aurait pas besoin de Dieu, puisqu’il y a la sécurité sociale. Or la religion a fourni depuis toujours les contenus qui motivent la création artistique. Maintenant il est en outre devenu évident que le capitalisme détruit la planète et menace, par les applications de la science notre existence même. Pour s’en convaincre il suffit de penser aux manipulations génétiques, aux cyborgs, aux nanotechnologies. Selon Jean-Pierre Dupuy « la science est devenue […] la principale menace contre la survie de l’humanité. […] L’ingénieur de demain ne sera pas un apprenti sorcier par négligence ou incompétence, mais par finalité »[2]. Le but de cette  technoscience serait de « jouer à Dieu » (ibid. p 94). Elle cède ainsi à la tentation de Celui qui lui promet la récompense suprême : Eritis sicut Dei (vous serez comme des Dieux). Parmi ces docteurs Folamour illuminés, il y a, nous dit Dupuy, des personnages qui « occupent d’éminentes position de pouvoir » (p 107). Ils avancent masqués et tiennent un double langage. « Lorsqu’il s’agit de vendre leur produit, les perspectives les plus grandioses sont agitées. Quand des critiques soulèvent la question des risques, on se rétracte : la science que nous faisons est modeste » (p 114). Or il n’est pas vrai qu’en finançant des recherches sans discernement l’humanité se réserve la liberté d’aller « où elle veut » (p 116) et cela en vertu d’une loi selon laquelle tout ce qu’on peut faire sera fait.

 Notre situation est-elle désespérée ou providentielle?

L’issue dépend de la course de vitesse dans laquelle nous somme engagés.

Le capitalisme a besoin d’une réserve de main-d’œuvre mais l’accroissement indéfini du chômage lui serait mortel. Au-delà d’un certain pourcentage (peu importe lequel) la stabilité du système serait menacée. Or la concurrence sans laquelle il n’y a pas d’économie de marché entraîne une augmentation de la productivité à un rythme tel qu’une croissance du PIB inférieure à 3% engendre une hausse du chômage. Cela signifie que les trois seules possibilités sont soit une croissance mondiale supérieure à 3%, soit une croissance entre 0 et 3%, soit enfin une croissance inférieure à 0%. Notons qu’au-dessus de 0%, la croissance est exponentielle et atteint tôt ou tard des valeurs absolues infinies ! La première possibilité est incompatible avec le caractère fini de notre planète et pour commencer avec la préservation de la biosphère, la troisième est incompatible avec le capitalisme et la deuxième est incompatible avec les deux.

Considérons l’éventualité la plus favorable, la seule qui préserve les intérêts à long terme de l’humanité, à savoir la croissance négative. Elle débouche sur la disparition du capitalisme pour deux raisons. D’abord s’engager sur la voie de la décroissance exigerait une intervention massive de l’Etat (ou d’instances internationales) au détriment du marché pour éviter une augmentation sans limite du nombre des sans-emploi, adopter les mesures qui feront de ce processus un progrès pour tous et libérer la recherche technoscientifique des impératifs mercantiles. Ensuite parce qu’il est dans la nature du capitalisme d’être basé sur la reproduction élargie contrairement aux modes de production précédents dont la reproduction était simple. Les autres éventualités conduiront au même résultat mais plus tard et après que d’immenses dégâts auront été infligés à la Terre.

L’expansion du capital dont Marx disait qu’elle était « sans mesure » rencontre aujourd’hui sa limite. Badiou soupire après les fastes du XXe siècle (progrès technique, révolutions, avant-gardisme), mais si le nôtre devrait en être la continuation l’avenir de l’humanité serait bien compromis. Notre fin s’annonce comme déterminée mécaniquement par la concurrence de tous contre tous[3]. Soumise aux lois de cette concurrence, celles du marché, la technoscience, nous l’avons vu, s’affranchit de toute finalité humaine et devient autonome. En nous fiant à sa promesse de toute puissance  nous serons les dindons d’une farce immémoriale. Aurons-nous assez de temps et de ressources spirituelles pour nous débarrasser du capitalisme avant la catastrophe?



[1] Lire le chapitre « Capitalisme et civilisation » de mon livre Pour l’Art. Eclipse et renouveau.

[2] Cf. Jean-Pierre Dupuy : La marque du sacré, Carnets nord éditeur, 2008, p 83. Lire aussi de Jean-Michel Besnier : Demain les posthumains, Hachette 2009.

[3] On trouvera la formulation la plus récente (et la plus frappante) de cette idée chez Luc Ferry. Dans son rapport au premier ministre Face à la crise. Matériaux pour une politique de civilisation, Odile Jacob 2009 on lit ceci : « l’histoire se meut désormais hors la volonté des hommes » (p 21), « la mondialisation technique est […] un processus définalisé », Il nous faut « dominer pour dominer […] parce qu’il est impossible de faire autrement » (p 24). Mais ne comptons pas sur le technophile Luc Ferry pour mener le bon combat.

14:01 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

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