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19/06/2012

Que gagne-t-on en travaillant?

Je me suis amusé à rédiger quelques réflexions à propos d’un sujet qui vient d’être donné au bac L

 

Que gagne-t-on en travaillant ?

 

Sujet éminemment philosophique, justement parce qu’il n’en a pas l’apparence. Comme ceux qui introduisent certains dialogues socratiques, il est formulé avec des termes de la langue courante et semble appeler une réponse coulant de source : « on gagne sa vie, pardi ! ». Or on ne peut se contenter de cette évidence car elle s’applique également aux castors ou aux abeilles qui eux aussi s’activent pour gagner leur vie, c’est-à-dire pour assurer leur reproduction et faire que leur groupe perdure. Cette question, ce sont des hommes qui se la posent et ils ne peuvent être réduits à une espèce animale sociale. Il nous faudra donc continuer à nous interroger. Que signifie travailler ? Que signifie gagner ?

« Travailler » est une activité entraînant une dépense d’énergie et qui aboutit à la transformation de matières premières en produits finis, ces expressions étant entendues tant au sens propre qu’au sens figuré. « Gagner » veut dire, dans ce cas, obtenir un avantage qui compense, justifie et motive cette dépense d’énergie. La motivation rationnelle relève du calcul sans que cela implique qu’il soit conscient car le tri de ce qui est rationnel et de ce qui ne l’est pas peut se faire par des mécanismes de type darwinien.

Ces considérations, cependant, tombent sous le coup de l’objection que nous nous sommes déjà faite. Elles ne vont pas au-delà des intérêts biologiques et de ce qui en nous participe de l’animalité. Il est vrai que pour certains penseurs matérialistes, tels Friedrich Engels, c’est le travail qui a déterminé l’évolution de la main et indirectement celle du langage et du cerveau. Ainsi à l’échelle des âges géologiques, l’homme serait le produit du travail. On ne peut cependant retenir cette théorie car elle a été infirmée par les progrès de l’éthologie et de la paléontologie. Entre le travail proprement humain et celui de nos ancêtres anthropoïdes, il n’y a aucune continuité, comme le prouve le fait que la création artistique est aussi vieille que l’humanité. On a découvert des flûtes et des peintures rupestres vieilles de quarante-cinq mille ans et contemporaines de l’homme de Cro-Magnon à ses débuts. Dès son apparition, l’homme se livre à des activités désintéressées qui engagent son intellect. Par son travail dans ces domaines,  il opère des transformations autres que matérielles qui déterminent des gains qui ne le sont pas non plus. En faisant, l’homme se fait. L’élève ou l’étudiant qui travaillent se transforment eux-mêmes en tant qu’êtres pensants. Le chercheur transforme les résultats de ses observations ou expérimentations en conjectures, hypothèses, théories qui ajoutent à nos connaissances. Tels sont les gains que nous obtenons dans ce domaine spécifique à l’homme qui est de l’ordre du spirituel.

Qu’en est-il alors de l’ouvrier, appendice de la machine ou rivé à la chaîne ? Cette activité aussi peut nous transformer positivement si nous en  tirons une prise de conscience qui nous  conduise à nous révolter ou à partir sur la grand-route comme Charlot dans Les temps modernes.  Plus fondamentalement, et en se plaçant à l’échelle de l’histoire mondiale, il convient d’évoquer à ce propos Hegel et sa dialectique du maître et de l’esclave. Ce dernier recouvre son humanité par le travail. En transformant la nature, il transforme sa propre nature parce que chemin faisant il rend cette activité créative et libre. Même au niveau de l’individu, le travail est le seul moyen d’obtenir indépendance et dignité, ces biens plus précieux que tous les objets que nous promet la société de consommation.

15:37 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : engels, hegel

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