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11/10/2012

La famille et son simulacre

Ceux qui taxent d’«homophobie» l’opposition au « mariage » homosexuel tombent dans une double erreur : ils stigmatisent abusivement leurs adversaires comme atteints d’un trouble  mental (une phobie),  tout en les accusant, à tort, de haïr les homosexuels. C’est au contraire sur la base d’une attitude bienveillante à leur égard qu’on peut et doit critiquer la loi en préparation. Autrefois sévèrement réprimés (c’est toujours le cas dans les pays musulmans), ils ont conquis leur émancipation quand il fut admis que les goûts et les pratiques sexuels ne regardaient pas l’Etat. Demander à celui-ci qu’il sanctionne officiellement ce qui relève de la vie privée d’individus particuliers semble aussi dangereux pour les intéressés que dépourvu de sens pour la société dans son ensemble.

Dans son Cours familier de philosophie politique (Fayard 2001), Pierre Manent a développé sur cette question des réflexions autrement plus justes et pénétrantes que tout ce qu’on lit ces temps-ci dans les gazettes. Je commencerai donc par en proposer un abrégé. On peut, dit Manent, « satisfaire la plupart des revendications des homosexuels […]. Mais pas toutes. […]Il est impossible que le corps politique ‘’reconnaisse’’ leur ‘’style de vie’’ : aucun ‘’style de vie’’ n’est ‘’reconnu’’ par notre régime. C’est pourquoi il est libéral. Mais il ‘’reconnaît’’ le ‘’mariage hétérosexuel’’ ? Certes, et pour une bonne raison : ce mariage produit des enfants, c’est-à-dire des citoyens, et cela relève de l’intérêt public ».

 Après avoir évoqué les artifices techniques destinés à contourner cet argument (adoption, fécondation in vitro, mères porteuses), Manent poursuit : « On veut priver de toute validité, de toute pertinence, la ‘’division naturelle’’ entre les sexes. Mais pour obtenir quel résultat ? Une famille qui imite » celle fondée sur cette division […] Le ‘’mariage homosexuel’’ imite le mariage hétérosexuel, et aucune invocation de l’’’égalité des droits’’ ne le délivrera de cette contradiction. Ceux qui réclament sa légalisation […] sont esclaves de la nature, au moment même où ils croient en triompher. Et Manent de conclure : « nous n’avons pas le droit d’exiger de nos concitoyens qu’ils approuvent nos ‘’styles’’ ou ‘’contenus de vie’’ : ce serait tyrannie. Que la dignité de chacun soit respectée, c’est le moins qu’on puisse demander, mais c’est aussi le plus que l’on ait le droit de demander » (op. cit. pp 324-326).

Plus haut, Manent avait montré que contrairement à Kant le moralisme contemporain identifie le respect de la dignité humaine au « respect des ‘’contenus de vie’’, quels qu’ils soient de l’autre être humain. […] Or cette formule n’a pas véritablement de sens. Ou son seul sens assignable, c’est qu’on demande d’approuver, d’apprécier, de valoriser, d’applaudir tous les contenus de vie, tous les choix de vie, tous les styles de vie » ce qui revient à considérer nos choix personnels comme sans importance ni signification » (op. cit. pp 321-322). Exiger de nous ce nihilisme est, encore une fois, tyrannique. Nous dirons donc à nos amis homosexuels: préservez la dimension transgresive de vos choix. Ils n'ont pas d'autre mérite. Gardez-vous de souhaiter une bénédiction étatique qui pourrait se transformer en son contraire. La norme légale fonctionne dans les deux sens. C'est là qu'est le danger pour vous auquel je faisais allusion. Chaque fois qu'on en appelle à l'Etat on retranche quelque chose de sa liberté.

 « L’abus de pouvoir » dont parle Paul Thibaud (Le Monde 28 septembre 2012) s’exerce aussi sur l’enfant privé d’une figure parentale masculine ou féminine. On demande à la loi de consacrer de telles situations dont l’enfant pâtit car il lui faut de la différence sexuelle, de l’asymétrie pour donner forme à son identité narcissique. Il en souffre aussi par suite d’une discrimination inévitable entre les enfants qui ont eu le droit de grandir auprès d’un père et d’une mère et lui-même. L’enfant a besoin enfin de savoir d’où il vient. La parenté biologique n’est pas rien comme vous le diront les généticiens et les éthologues. L’homoparentalité crée une catégorie d’individus à qui leur vraie ascendance aura été cachée au profit d’une autre fictive.

Pierre Manent, nous l’avons vu, insiste sur le fait que le mariage homosexuel imite le mariage conventionnel. Il me semble qu’il l’imite sur le mode de la parodie, de la mascarade, de la bouffonnerie. Cela ne pourra qu’affaiblir encore plus la famille véritable. Cette institution, au fondement du lien social, a déjà été sapée par le capitalisme (la moitié des mariages aboutissent à des divorces) au grand dam des enfants, c’est-à-dire des générations futures. Faut-il croire que le but de la gauche est de détruire ce qui reste de la famille en galvaudant le rite qui l'établit ?        

        

20:21 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

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