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03/04/2009

Yves Michaud fait de la pub au non-art

 Elizabeth Badinter a dit récemment que le message toujours actuel de Simone de Beauvoir était : « n’acceptez pas le monde tel qu’il est ». Les artistes véritables se reconnaissent dans ce mot d’ordre au lieu de suivre les conseils des bonnes âmes qui leur veulent du bien et qui les invitent à être à l’image de la société actuelle. Celle-ci est gouvernée par des forces politiques et des intérêts financiers qui imposent le non-art en lui assurant le monopole de la visibilité médiatique et muséale. Nous vivons à une époque hostile à la vraie culture. Le seul moyen pour un artiste d’être de ce temps est de lui tourner le dos pour simplement survivre ; c’est-à-dire pour rester fidèle à sa vocation.

Le non-art est par définition fait pour ceux qui, ne comprenant rien à l’art, ne peuvent que souhaiter sa disparition. Parmi ces philistins, généralement snobs, il y a des intellectuels connus qui, tels Yves Michaud, mettent leur facilité de plumitifs au service du relativisme nihiliste. Aveugles à la peinture, ils comptent sur cette idéologie pour les en débarrasser. Dès lors, personne ne pourra se prévaloir d’une supériorité sur eux. Comme tant d’autres (par exemple Judith Bénamou), ce monsieur accepte le monde tel qu’il est. Il s’incline servilement devant la domination du non-art et prétend enregistrer avec l’objectivité d’un sismographe la disparition du grand art remplacé, dit-il, par le design, l’emballage, la décoration intérieure et la publicité ; si bien que la beauté serait « partout », à défaut d’être dans les musées ou la nature. L’art « à l’état gazeux » infuserait le quotidien. On le verrait dans la rue et le supermarché. En bon relativiste, il prétend qu’aujourd’hui « la distinction entre un haut et un bas ne vaut plus ». A la même page, il écrit : « Jamais la société n’a autant baigné dans la culture et [pourtant] jamais il ne nous a été aussi difficile d’en identifier les formes élevées »[1]. Cependant le mépris qu’il affiche vis-à-vis des « best-sellers populaires préfabriqués » ou de « la littérature selon Paul-Loup Sulitzer »[2] montre que cette distinction, non seulement vaut toujours, mais va de soi. L’essayiste Michaud se prétend philosophe mais, sans craindre l’inconséquence, il prône en matière d’art un nivellement mortifère par le bas qu’il refuse dans son domaine, celui des lettres où subsistent des critères.

Il m’est arrivé de citer Yves Michaud dans mon livre : Pour l’Art. Eclipse et renouveau parce qu’il fait preuve assez souvent de lucidité vis-à-vis du petit monde de « l’art contemporain ». Quand il s’agit d’art, c’est une autre affaire. Dans un entretien accordé récemment à Télérama (n° 3088, 21-27 mars 2009), il s’est complètement démasqué en faisant la promotion d’anartistes absolus. Il y lit notamment la déclaration suivante : « ce que je connais de plus fort, c’est la performance d l’artiste chinois Zhu Yu, qui a mangé en 2000 des fœtus d’enfants rôtis. Il y a aussi David Nebreda, cet artiste espagnol, squelettique qui se mutile, s’enduit d’excréments et s’expose depuis les années 1990 en photographies belles et fortes ». Interrogé sur le déclin de la critique « réduite à valider des produits », il estime qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer. Après tout il n’y avait pas de critiques avant le dix-huitième siècle. Aujourd’hui, « les ventes aux enchères sont un bon baromètre du goût des collectionneurs et de la qualité de œuvres (sic !). Il serait simpliste de le déplorer : l’art a toujours été lié à l’argent. (…) Le Tintoret et Le Titien étaient fabuleusement riches ». Vous avez admiré l’absence de sens historique de Michaud qui est assez ignorant pour tomber dans d’aussi  grossiers anachronismes. Pour lui Le Titien serait un artiste au sens où ce prédicat s’appliquerait à Buren ! Bien entendu, ce qui est consternant aujourd’hui, ce n’est pas que l’art soit lié à l’argent mais que l’argent soit lié au non-art.        



[1] Cf. Yves Muchaud : La crise de l’Art contemporain, P.U.F. 1997, p 61.

[2] Ibid. p 60.