Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/04/2010

Alain Badiou et l'amour

Dans son livre Eloge de l'amour (pp 44-46), Badiou récuse le scepticisme des moralistes au sujet de la déclaration : « je t’aimerai toujours ». Selon lui elle peut être sincère et se traduire dans les faits tout au long d’une vie. Il se donne même en exemple. A une exception près il n’aurait « jamais quitté un amour ». Moyennant quoi, et de son propre aveu, il a vécu au milieu d’un harem. Malgré ses dénégations, il usait de ruse et de restrictions mentales. Quand il disait « je t’aimerai toujours », il omettait de préciser « mais pas toi seule exclusivement ». Confondant de propos délibéré les deux notions, il jurait fidélité à ses maîtresses mais ne leur garantissait que la constance.

L’amour est une passion. Il engage, que dis-je, il déchaîne des affects. Pour communiquer cette expérience, il faut mobiliser toutes les ressources de la poésie (au sens de dichtung). En même temps, ces émotions peuvent et doivent être maîtrisées par la pensée rationnelle. Or Badiou, quand il parle de l’amour en philosophe, en est réduit à des énoncés d’une grande banalité car il est incapable de renouveler ces lieux communs éternels. Cela demande un certain talent littéraire Sur ce point, il se fait d’étranges illusions car il a toujours affiché des ambitions de dramaturge et de romancier, peut être par mimétisme de sartrien. Il ne se contente pas d’exposer aussi clairement que possible ses idées, il s’imagine qu’il peut ciseler une écriture artiste. Or son activité débordante ne lui en laisse pas le loisir. La perfection de la forme ne peut être recherchée par un polygraphe compulsif. En voulez-vous une preuve ? Lisez-donc cette phrase que je relève dans la « Présentation » de son dernier livre : « Je crois qu’il est vraiment, d’un bout à l’autre, ce que son titre dit qu’il est : un éloge de l’amour, proposé par un philosophe qui, comme Platon, que je cite, pense que ‘‘Qui ne commence pas par l’amour ne saura jamais ce que c’est que la philosophie’’ » (pp 10-11). Que dites-vous de ce style qui charrie des galets comme un gave pyrénéen, (à moins que son cliquetis n'évoque pour vous une crécelle) ? Pour moi j'estime que Badiou a mérité de figurer dans le livre des records. Onze fautes contre l’euphonie en une seule phrase!          

15:53 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alain badiou, amour