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24/09/2012

Affaire Millet : dernières escarmouches

 Les deux notes que j’ai consacrées à l’affaire Richard Millet n’ont pas été comprises par tous mes visiteurs. Une mise au point qui intègre en outre les idées les plus intéressantes apportées par d’autres contributions au débat me semble donc utile.

Objet d’une véritable lapidation, l’écrivain s’est expliqué lui-même dans Valeurs acttuelles et L’Express sur ses thèses qui soulèvent tant de colère. Il l’a fait avec un bon sens et une modération qu'on lui reproche habituellement d’être dépourvu. L’ironie de son titre : « Eloge littéraire d’Anders Breivik », n’ayant pas été perçue il reconnaît que ce titre n’était pas heureux en ajoutant qu’au demeurant il avait condamné sans ambigüité les crimes du Norvégien. Il se scandalise même qu’on ait infligé à ce tueur de masse vingt et un ans de prison seulement, soit trois mois et quelques par victime.  Breivik l’a intéressé uniquement en tant que « symptôme monstrueux de la décadence et de la perte de sens de l’Europe ».  

Assouline trouve que la campagne orchestrée par Annie Ernaux  « promue chef de meute pour les circonstances » fait penser aux années 1944-1945, autrement dit pue l’épuration. Elle a rassemblé « l’habituelle cohorte des médiocres du petit monde littéraire » pour obtenir la tête d’un grand auteur sous une imputation aussi commode qu’elle est creuse et galvaudée : celle de fascisme. Ayant encouru cette flétrissure il « déshonore la littérature » dit-elle. Hélène Merlin-Kajman se demande : « Sade fait-il honneur à la littérature ? » et nous confie que cette question, il ne lui serait jamais venu à l’esprit de se la poser avant d’avoir lu la dénonciation  d’Annie Ernaux. Citons à ce propos Guy Debord : « Je ne suis pas un journaliste de gauche : je ne dénonce jamais personne ! ». Pour relativiser encore un peu plus la « faute » reprochée à Millet, celle d’avoir qualifié Breivik d’ »écrivain par défaut », rappelons en outre, à la suite de Bruno de Cessole, l’essai classique de Thomas de Quincey au sujet du tueur en série John Williams : De l’assassinat considéré comme un des beau-arts (1827).

Richard Millet ayant intitulé un de ses livres De l’antiracisme comme terreur littéraire, Robert Redeker développe des considérations philosophiques éclairantes sur l’accusation de racisme comme instrument de terreur pur et simple. « Un tel (aujourd’hui Millet, demain un autre) est possédé par le substitut moderne du Diable, l’opinion raciste ». Dans le langage courant « racisme et raciste sont des anathèmes employés hors de toute rigueur sémantique à l’instar de fasciste ou d’extrémiste ». « Le coupable [l’est] de tout le Mal circulant dans la société ». Pourtant le mal moral est désormais interdit d’énonciation car il est théologique et jugé moralisateur. « La mort de Dieu et la mort de l’homme [qui s’en suit, K. M.] a entraîné la ruine de la morale kantienne » dont la forme est désormais habitée par un contenu autre que l’impératif catégorique à savoir l’antiracisme. « Rien ne le révèle autant que la mise au pilori de Richard Millet ».

Dans ce contexte idéologique il n’est pas étonnant si la terreur dont parle ce romancier  s’avère  parfaitement efficace comme on l’a constaté avec la capitulation d’Antoine Gallimard. Pierre Nora non plus n’a pas fait preuve d’un grand courage. Il veut bien concéder à Millet le droit d’avoir ses idées et de les exprimer à condition toutefois que sa proximité professionnelle ne  compromette ni ne contamine le directeur de Débat. Esquissant une discussion des thèses de son collègue il écrit : « Il y a de bons arguments pour condamner le multiculturalisme et en redouter les conséquences. Il y a de bonnes raisons pour déplorer dans la période actuelle une anémie de la langue et un dépérissement de la littérature. Mais quel rapport entre les deux ? » Richard Millet lui avait déjà répondu dans L’Express : « ma réflexion vise à comprendre la concomitance du déclin de la littérature et de la modification en profondeur de la population de la France […] par une immigration extra-européenne massive [….] le multiculturalisme n’est qu’une des formes de la décomposition culturelle, spirituelle et sociale de l’Europe, … ». « C’est sans doute pour avoir touché du doigt l’alliance entre l’insignifiance culturelle de l’Occident et le multiculturalisme idéologique que je suscite une telle haine ».

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04/09/2012

Au secours, les "vigilants" sont de retour!

Le Monde, qui a depuis longtemps  Richard Millet dans son collimateur, juge maintenant le moment favorable pour lui régler son compte. Ce journal cède ainsi de nouveau à son penchant invétéré à la diffamation dès lors qu’il a un alibi pour exercer sa principale fonction : la police de la pensée. Raphaëlle Rérolle, qui a été chargée de cette exécution, a recours à toutes les figures obligées de ce genre : glissements sémantiques abusifs, citations tronquées, enquête sélective et tendancieuse en commençant par ce titre où tout est faux : « L’apologie de Breivik par Richard Millet crée la polémique chez Gallimard » (Le Monde 28 août 2012). L’apologie au sens stricte est une défense et une justification alors que l’essai incriminé s’intitule « Eloge littéraire d’Anders Breivik ». Un éloge n’est pas nécessairement une apologie. Dans son oraison funèbre, Bossuet  fait l’éloge du grand Condé nullement son apologie puisqu’ il condamne l’engagement dans la Fronde du vainqueur de Rocroy ainsi que son invasion de la France à la tête de troupes espagnoles. De même, Millet n’approuve pas les actes de Breivik, et ne lui épargne pas ses critiques soulignant ainsi à plusieurs reprises la distance qui l’en sépare. Rérolle affecte de tenir pour négligeables ces précisions et les tient pour de simples « précautions » oratoires alors qu’elles clarifient en le restreignant le sens du mot « éloge » tout comme l’épithète dont il est assorti. Ne serait-il pas d’ailleurs honteux qu’un auteur soit obligé de dire des choses évidentes afin de couper court à des imputations calomnieuses ? Ce d’autant plus que Le Monde, comme on vient de le voir, ne se laisse pas dissuader si facilement. Ajoutons que la « polémique » à laquelle Rérolle se réfère est imaginaire. Tahar Ben Jelloun et Jean-Marie Laclavetine ne polémiquent pas entre eux, ils monologuent. Que pourraient-ils faire d’autre étant donné que tous deux sont de lâches « collaborateurs » de la « Propagande », comme dit Millet, c’est-à-dire du discours médiatique ? Pour sa part l’écrivain qu’ils attaquent a déclaré d’avance qu’il ne débat ni ne polémique avec personne[1]. Quant à Annie Ernaux, on ne la comprend que trop bien. Elle est l’archétype de l’écrivaillon « postlittéraire » qu’il écrase de son talent et de son mépris et dont l’hostilité rageuse est pour lui un titre d’honneur. L’intervention du Monde ne vise pas à discréditer Richard Millet, opération vaine auprès des gens qui le lisent, mais à le rendre odieux auprès des gens incapables de le lire ; le but final étant de le priver de son ancrage professionnel en faisant pression sur Antoine Gallimard. S’adressant à celui-ci, la journaliste lui signifie clairement ce qui lui reste à faire : se séparer d’un salarié, certes efficace comme éditeur, mais pas assez larbin[2].

   

Je reviendrai dans une prochaine note sur le fond du différend.



[1] Cf. De l’antiracisme comme terreur littéraire, Editions Pierre-Guillaume de Roux, Paris 2012, p 27.

[2] Antoine Gallimard n’a pas toujours résisté aux pressions de la bien-pensance médiatique comme on l’a vu en 2006 quand il renonça à publier, après l’avoir acceptée, une réfutation du libelle antiheideggerien d’Emmanuel Faye « complaisamment relayé"  par l’archi-vigilent Roger Pol Droit dans Le Monde, suivi par Le Point, Le Nouvel Observateur et Libération.