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12/05/2013

Dangers ou bienfaits de l'identité?

  Le directeur de la rédaction du Nouvel Observateur a donné à Causeur (avril 2013) un bref article sur « Les dangers de l’identité ». Il n’est pas inutile d’en discuter l’argumentation car cela permettra  de mettre à nu les ressorts sophistiques sous-jacents au discours libéral des médias.   

Laurent Joffrin reproche à Causeur d’appeler « politiquement correct » les idées de gauche afin de les disqualifier sans discussion en les taxant de conformisme. C’est inverser le blanc et le noir. Qui refuse de discuter ? Qui disqualifie en collant des étiquettes infâmantes ? Les « idées de gauche » dont parle Joffrin sont celles que nous serinent tous les journaux, toutes les radios, toutes les télévisions et presque toutes les revues. Opinions que les journalistes présentent comme allant de soi pour un esprit « républicain » si bien que les contester attire sur vous l’ostracisme comme suppôt de l’extrême-droite identifiée au fascisme pur et simple, c'est-à-dire au mal absolu. L’idéologie que diffusent les médias ne reflète pas l’opinion publique mais vise à la façonner en inculquant  au peuple un conformisme en accord avec les intérêts de l’oligarchie. Où est la liberté, l’égalité, la tolérance dans ce monde soumis à l’argent qui réduit au minimum l’expression d’idées dissonantes? Ce qui est aujourd’hui nouveau est l’échec patent de cette « pédagogie » qu’ont révélé de récents sondages.

Passons maintenant au fond du problème. En République, nous dit Joffrin, la liberté et l’égalité sont les seules valeurs qui fondent les règles de vie en commun. Or selon son propre raisonnement, ces valeurs présupposent la « vie en commun », autre nom de la collectivité. Il faut d’abord que celle-ci existe pour qu’elle décide de vivre en République, qu’elle adopte ces valeurs et qu’elle en déduise les principes et les règles auxquels Joffrin fait allusion. En bon libéral, le directeur du Nouvel Obs. croit au primat de l’individu qui est en réalité une abstraction si on le dissocie de la société qui l’a fait ce qu’il est. C’est en grandissant au sein d’un groupe déterminé qu’on devient un être humain doué de langage et de raison. La collectivité qui diffère des autres et possède donc sa propre identité vient en premier. « L’identité ne produit pas de valeurs » affirme Joffrin mais les groupes sociaux en produisent et c’est le cas même quand ces valeurs tombent du ciel sous la forme de religions traditionnelles ou révélées. Les civilisations s’enracinent dans de telles collectivités. Tout ce qui est grand et noble chez l’homme leur doit son existence en même temps que beaucoup de maux, certes, car il n’est pas de différence qui ne soit  grosse d’un conflit potentiel avec le voisin en même temps qu’elle incite à se surpasser. Les rapports humains sont par nature conflictuels. Joffrin ne veut pas le savoir. Cela part d’un bon sentiment mais n’est pas réaliste.

Aimer sa patrie, être attaché à ses racines culturelles rien de plus légitime, concède Joffrin. Il ajoute, cependant, que les défendre « est un droit, […] non le fondement de la collectivité ». Voilà un énoncé bien énigmatique. Qu’est-ce « le fondement de la collectivité » ? La liberté et l’égalité ? Ce n’est vrai que pour la République. En réalité, les régimes et les types de sociétés sont multiples et aucun n’a de fondement. Joffrin court après des certitudes fantasmatiques. Comme il soupçonne qu’il n’en trouvera pas sur la base libérale-individualiste qui est la sienne, il se contente du pauvre substitut que lui offre le relativisme bancal de rigueur dans son milieu. « Une identité culturelle ou nationale ne vaut pas plus qu’une autre », nous dit-il en s’empressant d’ajouter : « sauf à démontrer qu’elle est contraire aux droits de l’homme ». Cette exception est de taille et propre à justifier toutes les « guerres humanitaires » qu’on voudra. En même temps, son insistance sur « les dangers de l’identité » permet à Joffrin de stigmatiser  la  défense de notre propre civilisation et la critique de l’Islamisme terroriste.