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07/05/2013

Misère de l'"arte povera" le bien nommé

Selon le dicton, celui qui paye l’orchestre choisit la musique. Toujours aux ordres, Philippe Dagen s’est vu confier une page entière du Monde (4 mai 2013) pour faire l’éloge de Michel-Angelo Pistoletto. Le sens du ridicule et l’estime de soi auraient dû l’empêcher de s’y astreindre. Mais comme dit Euripide, « Là où est l’intérêt il convient de servir ». Fidèle aux consignes, Dagen feint de prendre au sérieux les simagrées d’un farceur. Il en décrypte fièrement la « pensée ». Des journaux tapissant une sphère faite avec des tiges de fer symbolisent l’actualité, nous révèle-t-il d’un air pénétré. L’obélisque traversant une boucle de chiffons aurait une signification sexuelle. Quelle profondeur chez ce digne disciple de Freud ! Le comique involontaire atteint un sommet quand le plumitif appointé attribue à Pistoletto des intentions révolutionnaires. Ce « créateur » persisterait à croire aujourd’hui que « l’art peut et doit changer le monde ». Or chacun sait que le monde tel qu’il va est celui  de l’oligarchie régnante, de ceux qui forment les piliers de l’ordre établi, à savoir la politique, les médias, la finance. Ces trois catégories de l’« élite » auto-proclamée se tiennent réciproquement et dépendent les unes des autres.

Voyons cela plus en détail.  Pistoletto est présent dans les musées d’art contemporain où il est à sa place. Ceux qui l’y trouvent ne peuvent se plaindre d’être pris en traître. Comme cependant le public de ces lieux est jugé insuffisant, (les gogos sont quand même minoritaires), il a été invité à squatter le Louvre de façon à être imposé aux vrais  amateurs d’art  bien plus nombreux. La même opération de parasitage a été réalisée naguère  au palais de Versailles sous l’égide notamment de M. Aillagon. Or les directeurs de ces anciennes résidences royales sont nommés par le gouvernement pour faire exactement cela : valoriser le non-art et dévaloriser l’art pour le plus grand profit des méga-collectionneurs spéculateurs tels que Pinault ancien patron d’Aillagon. Ces grands financiers possèdent les médias ou en déterminent la ligne éditoriale à travers leur budget publicitaire. Voilà pourquoi Dagen est requis pour chanter les mérites de Pistoletto. Ce  n’est pas une question de goût. La preuve en est que les medias sont unanimes à prendre parti pour le non-art et à passer sous silence toute œuvre, par exemple picturale, bonne ou mauvaise, qu’ils l’aiment ou pas. C’est l’art en tant que tel que la classe dominante a banni. Une telle unanimité n’est pas concevable dans un jugement de goût sincère. Elle est en outre le signe d’une absence totale de vraie liberté. Certes, nous ne subissons pas une dictature stalinienne ou hitlérienne, chacun peut, sans risquer sa vie, dire ce qu’il veut, mais non sur la place publique, non dans les médias qui seuls décident qui est dans le jeu (politiquement et culturellement) et qui ne l’est pas. En ce sens, le pouvoir qui pèse sur nous n’est pas moins rigoureux pour être soft plutôt que hard. Dans cette affaire, Pistoletto est du côté du manche. Il participe à l’anéantissement de l’art auquel il substitue le non-art avec l’aide des médias qui en font l’éloge, des politiques qui lui accordent une visibilité maximale et des financiers qui réaliseront grâce à cette exposition de juteuses plus value. Comment un individu qui tire un si grand avantage de l’état de choses existant pourrait-il travailler à sa subversion ? En cette matière, on ne peut gagner sur les deux tableaux. Celui qui est acheté par des milliardaires ignares, adulé par la presse qui ne peut rien leur refuser, soutenu par l’Etat quel que soit le parti au pouvoir, celui-là  est (comme Dagen) à la botte des puissants, le contraire d’un révolutionnaire.