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07/05/2009

Harouel (suite III)

Harouel parle de la peinture en négligeant l’invention et la mimésis. Il ignore superbement la première, que les connaisseurs admirent particulièrement dans les dessins des maîtres du baroque et il réduit la seconde à l’exactitude photographique, ce qui rend sa « théorie » tautologique. Dans une nature morte, par exemple, le peintre produit un effet de réel et un sentiment de présence intense qu’aucune photographie ne peut nous procurer et ce, non pas en respectant l’exactitude mais en s’en écartant d’une manière calculée. Quand il plante son chevalet devant un paysage, ce n’est pas pour le copier mais pour s’en inspirer. Il ne fait pas ce qu’il voit, il fait ce que son esthétique lui commande. Les motifs qu’il y prélèvera seront modifiés à des fins expressives, simplifiés, exagérés, contrastés entre eux au moyen notamment du contraposto équivalent pictural de l’antithèse en littérature. Il se souciera comme d’une guigne des couleurs qui sont devant lui et amortira volontiers les verts envahissants ou trop intenses et en y mélangeant des tons neutres, gris et bruns. S’il a besoin d’une note de rouge pour équilibrer une tonalité trop froide, il en trouvera facilement le prétexte dans le bonnet ou le gilet d’un pêcheur imaginé à cette fin comme le fait Corot ou la bouée couverte de minium que Turner ajoute à une marine le jour même du vernissage. L’artiste ambitieux combinant plusieurs figures prendra des libertés encore plus grandes dans les limites de la vraisemblance, autre nom de la ressemblance. En fait, sa réussite sera mesurée à la somme des modifications et des subtils coups de pouces qui auront fait de l’ensemble une œuvre signifiante et en même temps esthétiquement satisfaisante. Cette liberté créative – impossible en photographie – est le fruit de la virtuosité à laquelle le talent parvient au prix d’un travail acharné.

Il y a là une alchimie qu’Harouel ne soupçonne même pas. Son livre aura du succès parce que dans les tristes temps qui sont les nôtres la plupart des gens sont dans le même cas. Je m’en félicite d’ailleurs car mieux vaut combattre le non-art pour de mauvaises raisons que le laisser triompher par défaut.

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