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13/07/2009

Les contradictions de Luc Ferry II

Dans ma note précédente sur l'opuscule de Luc Ferry Face à la crise j'ai dit que l'auteur caractérise le stade actuel du capitalisme mondialisé par l'accélération de la course à l'innovation. Ce processus est une fatalité, nous dit-il, mais nous verrons que c'est surtout notre némésis.

Luc Ferry en montre les effets dissolvents et destructeurs dans le domaine de l'art et dans celui des moeurs. En un siècle, nous avons, je cite, "déconstruit la tonalité en musique, la figuration en peinture" renversé les principes traditionnels de notre culture classique ainsi que la morale conventionnelle, religieuse ou bourgeoise. Toutes ces mutations sont attribuées par l'auteur aux jeunes gens de bonne famille plus ou moins de gauche et "bohèmes" particulièrement actifs lors des événements de 1968; groupe social qui fut, selon lui (mais il n'est pas le seul à le penser), le dindon de la farce et l'instrument de la pleine réalisation de la société de consommation contre laquelle il s'insurgeait. L'individualisme hédoniste de cette société fait des gens des drogués de l'achat compulsif de produits inutiles. Luc Ferry ne le précise pas trop (il doit ménager son commenditaire) mais en réalité notre société promeut la consommation du superflu par les deux tiers les plus favorisés de la population et la non-consommation du nécessaire par les plus pauvres. Or ces derniers sont de plus en plus nombreux à cause de l'émigration, de la concurrence des pays émergents du Tiers-Monde et de l'accentuation des inégalités. Le résultat est que les producteurs n'ont pas de quoi se payer ce qu'ils produisent. Voilà pourquoi la crise n'est pas seulement financière mais découle aussi de la surproduction dans l'économie réelle. Le remède trouvé par les gouvernements est d'y injecter des milliards c'est-à-dire de faire travailler la planche à billets. ce qui rejette sur les générations suivantes le coût d'une relance de la machine consumériste. Machine qui ne peut continuer à tourner sans poursuivre sa course vers l'abîme. Luc Ferry qui s'est illustré par des attaques contre l'écologie ne se soucie guère de cette catastrophe vers laquelle nous nous précipitons pour ne renoncer à aucune de nos misérables et vaines jouissances. Il prétend n'être qu'un appareil enregistreur des faits objectifs. Les entrepreneurs seraient contraints d'innover perpétuellement aussi bien en matière de productivité qu'en lançant à grand renfort de publicité de nouvelles marchandises (presque toutes des gadgets). Ainsi la déconstruction des valeurs traditionnelles est-elle devenue pour l'entrepreneur un impératif absolu" (p 43). "Si nos enfants avaient les mêmes valeurs que nos arrière-grands-mères ils n'achèteraient que le dixièmes de ce qu'ils convoitent aujourd'hui" (p 34). Comme Picasso ou Duchamp [l'entrepreneur] pratique la table rase des valeurs anciennes car il lui faut de l'innovation continue pour occuper une des premières places dans le classement mondial. Il y va de sa survie.

L'ambiguité de ce langage le fait décrocher du réel. Les exemples donnés en art par Luc Ferry sont ceux de fausses innovations, d'effets de mode qu'il confond avec les innovations réelles (mais très rares) dans le domaine de la technoscience. En fait, le mouvement perpétuel des premières au temps déjà lointain des avant-gardes s'est très vite réduit à un trépignement sur place au point que les porte parole du modernisme reconnaissent que plus personne dans ce milieu ne se réclame du "nouveau". Les rayures de Buren qui datent d'avant 1968 ont un âge canonique et de plus, comme concept, elles sont un "objet trouvé" (au marché saint Pierrre) et donc vieilles d'un siècle.

Luc Ferry a cependant raison de souligner "la connivence, involontaire au départ mais structurelle en son fond, entre le bourgeois et le bohème", le "bobo" plus précisément, dont le représentant le plus éminent ajouterai-je, est Alain Badiou. N'a-t-il pas adopté un petit africain comme Madonna?  Aucune pose révolutionnaire, aussi outrée soit-elle, ne lui permettra de masquer sa connivence avec "les grands capitaines d'industrie" qui comme lui "adorent littéralement l'art contemporain" (p 36). 

Dans ma note suivante je concluerai cet examen critique du livre de Luc Ferry en en discutant la partie constructive. 

 

 

13:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

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