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26/12/2009

A nouveau sur la politique d'Alain Badiou

 Dans les notes suivantes, je soumettrai à un nouvel examen l'idéologie politique de Badiou, à laquelle était consacré le premier chapitre de mon livre sur ce penseur. A cette fin, je partirai de la version complète publiée sur le site du Nouvel Observateur de la violente controverse qui l'a opposé à Finkielkraut. Un fragment en est paru dans les pages de cet hebdomadaire au n° du 17 - 23 décembre 2009.  

Ce duel au sabre d'abordage tourne autour de la menace que ferait peser l'immigration sur la civilisation et l'identité française. Alain Finkielkraut s'en montre préoccupé. Alain Badiou considère comme fasciste le seul fait de s'inscrire dans cette problématique. En général, je partage les positions de Finkielkraut mais je regrette qu'il se soit laissé quelque peu intimider par le terrorisme de Badiou.

Jouant cartes sur table, j'avance d'emblée le présupposé suivant qui me semble évident : la réponse à la question de savoir si l'on doit être ou non favorable à l'immigration dépend de l'intérêt de la France sur le plan économique et sur celui de la préservation de son identité. Badiou lui aussi s'appuie sur des présupposés mais il ne les explicite pas et en change constamment avec un manque de rigueur surprenant chez un philosophe. Par exemple, il dit tantôt que la France fait venir les immigrés « parce qu'elle en a besoin » (p 13), tantôt qu'ils viennent de leur propre mouvement pour trouver chez nous des moyens d'existence (p 7). Loin d'admettre que les gouvernants prennent leurs décisions en fonction de ce qui est bon pour leurs mandants, Badiou pense qu'ils doivent être guidés par la seule charité chrétienne envers les étrangers. N'est-ce pas un comble chez cet athée fanatique ? Il nous invite à nous apitoyer sur le pauvre paysan du tiers-monde qui ne peut nourrir sa nombreuse progéniture en ignorant apparemment que seuls ceux qui possèdent des biens peuvent se permettre l'investissement coûteux qu'est l'émigration.     

Les relations avec les autres peuple n'étant pas, jusqu'à nouvel ordre, gouvernées par la philanthropie, considérons ce qui nous est utile. Dans un article publié par Le Monde, Economie  (22 déc. 2009), Thibault Gajdos cite des recherches prouvant que « l'accroissement d'un point du pourcentage d'immigrés diplômés du supérieur dans la population totale se traduit par une augmentation du nombre des brevets par habitant de l'ordre de 15%. Ce type d'immigration est donc avantageux et doit être encouragé. Il en va autrement pour les travailleurs non qualifiés qui constituent l'immense majorité de ceux qui affluent vers l'Europe. Quand le gouvernement allemand décida d'accorder une carte de séjour à des informaticiens indiens il y eut peu de candidats. Il suscita en outre le mécontentement de la population qui criait dans la rue « Kinder statt Inder » (« des enfants plutôt que des Indiens »).   

   Le délire paranoïaque de Badiou le conduit à parler de « pétainisme transcendantal » au sujet de la politique du gouvernement Sarkozy à l'égard des immigrés clandestins. Cette politique serait en tout points semblable à celle dont ont été victimes les Juifs sous l'occupation allemande. Elle distinguerait les « bons Français » de ceux qui ne le sont pas. Le débat sur « l'identité française » serait destiné à légitimer ce « néo-fascisme » qui « accable de lois persécutrices des millions de gens présents ici depuis des décennies »,  « les empêche de vivre ici avec leurs familles », les fait travailler « pour des salaires de misère » etc. Dans tout cela le seul point exact est que les employeurs profitent de la situation précaire des immigrés clandestins pour les payer au-dessous du smic. Les ouvriers non qualifiés ont donc intérêt à ce que cette concurrence prenne fin ; c'est pourquoi 57% des Français (contre 7%) souhaitent une restriction de l'immigration (cf. Le Monde 22 déc. 2009). Si les nouveaux venus illégaux étaient expulsés et de sévères sanctions infligées aux patrons qui les recrutent personne ne recevrait un « salaire de misère » et Badiou serait content. Les autres doléances qu'il invoque pour justifier ses attaques furibondes sont sans rapport avec les faits et servent à masquer sa proximité avec Giscard d'Estaing qui, en 1974, promulgua la loi sur le regroupement familial. Sarkozy applique toujours cette loi et n'a même pas osé en contrecarrer le détournement. S'il était sincère, Badiou devrait les remercier tous les deux. L'internationalisme de Badiou et celui du grand capital sont indiscernables. C'est pourquoi en matière d'immigration il s'oppose moins qu'il ne le prétend au gouvernement. Il est seulement plus extrémiste parce qu'il n'est pas obligé de tenir compte de la volonté populaire.     

 Revenons au débat sur le débat. Celui-ci concerne la réponse à donner à la question « qu'est-ce être Français » et non qui est un bon Français comme Badiou affecte de le penser. Il est clair qu'un politicien corrompu, un trafiquant de drogue, un bandit quelconque ne sont pas de bons Français. On n'a pas besoin d'un débat pour le savoir. Quant à celui qui siffle la Marseillaise ou brûle le drapeau tricolore comme ce fut le cas récemment le soir de la victoire de l'Algérie sur l'Egypte, il n'est pas un mauvais Français, il n'est pas un Français du tout. Il y a là un problème sérieux que Badiou s'efforce d'évacuer en multipliant les sophismes. Parmi les populations nouvellement arrivées dans l'hexagone, qu'elles soient de la première ou de la deuxième génération, la haine de la France est un phénomène de masse. Dans ces conditions le « patriotisme » français dont Badiou crédite les immigrés devrait, pour être cru, se manifester à la même échelle, ce qui n'est pas le cas. Or personne n'est obligé de s'établir dans un pays qu'il n'aime pas et où il n'est pas désiré. Aucun pays n'est tenu d'accueillir ceux qui le haïssent et qui opposent à l'identité de la nation qui accueille celle de la nation d'origine.

19:14 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Une question : pour vous, des gens comme Pétain ou Laval, ou d'autres "collaborationnistes" étaient-ils des français dans le sens où vous les définissez à la fin de votre article ( "Or personne n'est obligé de s'établir dans un pays qu'il n'aime pas et où il n'est pas désiré. Aucun pays n'est tenu d'accueillir ceux qui le haïssent et qui opposent à l'identité de la nation qui accueille celle de la nation d'origine.")
Si oui, vous êtes pour le droit du sang contre le droit du sol ?
Merci

Écrit par : jean-louis | 27/12/2009

Cher ami,
La phrase que vous citez ne définit pas l'appartenance nationale. Vous trouverez des éléments en vue d'une telle définition dans la note suivante. Je réponds à votre question que Pétain, Laval et autres collaborateurs étaient Français en considérant aussi bien le droit du sang que le droit du sol. C'est précisément pour cette raison qu'ils ont été tenus pour des traîtres et condamnés par la justice. On ne peut trahir que les siens; en l'occurence ses compatriotes.
Enfin, soit dit en passant, notre loi tient compte à la fois du droit du sang et du droit du sol. Par exemple l'enfant d'un diplomate né au au Japon est considéré comme Français si ses parents le sont et non comme Japonais.

Écrit par : Kostas Mavrakis | 04/01/2010

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