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01/07/2010

Les idées politiques de Badiou

Les idées politiques d’Alain Badiou sont incohérentes jusqu’à l’absurde. Il a, certes, raison  de voir dans le parlementarisme un déguisement sous des oripeaux démocratiques d’une oligarchie au service du grand capital. Mais cette critique n’est pas faite du point de vue d’une véritable démocratie qui permettrait à la très grande majorité de la population (au peuple) de prendre en main ses propres affaires et d’en décider en fonction de ses intérêts. Badiou rejette cette démocratie authentique tout autant que l’autre parce qu’elle serait le règne du nombre et des opinions majoritaires. Dans ces conditions c’est par pure démagogie qu’il abuse du mot émancipation. Que signifie l’émancipation si en son nom le pouvoir est réservé à ceux qui sont capables de distinguer la vérité de l’opinion commune (doxa) ? Qui désignera ces philosophes-rois ?  Badiou veut une société égalitaire où tout le monde serait « polyvalent » et ferait « un peu toutes choses », mais il ne dit pas quelle serait la nature du pouvoir qui imposera ce genre de rapports sociaux car il faudra imposer l’abolition de la division du travail. Cette mesure ne va pas de soi étant donné que nous n’avons pas tous les mêmes aptitudes.

Pour Marx le communisme n’était pas une simple idée (comme chez les socialistes utopiques d’antan et  chez Badiou) mais le mouvement objectif de transformation de l'état de choses et cela grâce à une force sociale  investie de cette mission. L’agent historique du communisme était une entité  internationale mythique constituée d’ouvriers d’industrie et douée d'une conscience et d'une volonté unitaire du moins tendanciellement. Marx la nommait « prolétariat ». Il y voyait une classe universelle en ce qu’elle avait vocation de prendre en charge les intérêts de l’humanité entière. Aujourd’hui personne ne croit plus en cette classe surtout en tant qu’elle serait appelée à devenir très majoritaire comme le pensait Marx. A la fin des années 1960 les ouvriers (y compris dans les transports selon la définition marxiste) représentaient plus de 41 % de la population active. En 2006 ils étaient tombés à 25%. Quand au parti communiste sensé les représenter il obtient aux élections environ 2 ou 4%. Sachant tout cela, Badiou est bien embarrassé quand on l’interroge sur l’agent historique susceptible de réaliser son idéal communiste. On comprend seulement qu’il place son espoir dans une autre catégorie sociale : les ouvriers immigrés (de préférence sans papiers). Et pour que l’idée communiste et l’internationalisme qui lui est associé disposent d’une base  plus large, Badiou proclame son « refus catégorique des ‘‘frontières’’ entre un Occident riche et arrogant » et la masse des pauvres du Tiers monde.

En partant de là on comprend mieux son rejet de toute démocratie. Celle-ci suppose en effet un cadre national autrement dit une langue, une culture, des références historiques communes qui rendent possible le débat. Ajoutons le sentiment d’avoir des intérêts communs faute de quoi le débat (fraternel) n’aurait pas d’objet. Pour discuter des affaires communes il faut qu'ily ait un "nous". Or les ouvriers n'ont pas de patrie martelle Badiou à la suite de Marx et nonobstant tous les démentis que l'histoire a infligé à cette vue de l'esprit. De plus le communisme, dit Badiou, est « une société délivrée de la règle des intérêts » qu’ils soient individuels ou de groupe[1]. Des immigrés qui, sous l’emprise de l’intégrisme islamiste, ne se définissent pas comme Français ni même comme Algériens ou Marocains mais seulement comme musulmans et qui considèrent que leur devoir est de servir les intérêts de l’Ouma, peuvent-ils être admis à participer à la vie politique française ? La problématique même de la démocratie comme type de régime dont on peut se demander s’il instaure un bon pouvoir (du point de vue des gouvernés), n’a pas de sens pour Badiou puisqu’il veut l’abolition de l’Etat et de tout régime politique.        

 


[1] En réponse à Frédéric Taddéi le 25 octobre 2007.