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21/11/2009

Henri Loyrette persiste et signe

Dans un entretien accordé au supplément du Monde (nov. 2009), le président du Louvre justifie à nouveau l'utilisation du vénérable musée comme support publicitaire pour Axa, Total et les montres Bréguet. Il est fier de gagner beaucoup d'argent en en faisant une entreprise exportatrice de chefs-d'oeuvre vers Abou Dhabi. Ce ne sont d'ailleurs là que broutilles par rapport à la transformation du Louvre en écrin du non-art officiel au profit de Jan Fabre, Anselm Kiefer et tutti quanti. Pour défendre cette politique, Loyrette a un argument (et quel argument!) : "le Louvre a toujours été la maison des artistes vivants" comme si c'était le fait que ces messieurs ne soient pas morts qui posait problème. Et de citer Delacroix peignant le médaillon central de la galerie d'Apollon. Parfois, pourtant, un doute le taraude. "La présence d'artistes contemporains n'est pas chose évidente [...] il y a un grand gap entre le moment où s'arrêtent nos collections - la première moitié du XIXe siècle - et le monde d'aujourd'hui". Apparemment, personne ne lui a fait remarquer - si forte est l'emprise de la bien pensance - que le fossé en question n'est pas chronologique ni stylistique. Il s'agit de l'abîme qui sépare l'art du non-art. Exposer celui-ci à côté des grandes créations d'antan a pour but de faire rejaillir sur lui le prestige d'oeuvres géniales et plus précisément d'accréditer l'idée que nous sommes en présence d'objets appartenant à la même catégorie et méritant les uns comme les autres d'être désignées par le mot art. En même temps - la contradiction devient alors flagrante - lorsque l'art authentique est une production actuelle cela suffit pour qu'il soit banni des cimaises. Quant au non-art que je dénonce, on est en droit de le qualifier ainsi dès lors qu'il n'a rien de commun avec quoi que ce soit figurant au Louvre malgré l'immense diversité de ses collections. Au total, il s'agit d'une escroquerie consistant à faire occuper par le non-art la place de l'art. Une usurpation d'identité en quelque sorte. Loyrette participe à cette opération pour complaire aux riches et aux puisants qui ont investi dans le non-art des milliards de milliards. Il n'est pas incompétent; il est vendu.  

16/11/2009

Alain Badiou contre les identités

Alain Badiou dont l'audience en tant que gourou fut longtemps confidentielle, devint soudain célèbre avec un pamphlet ou plutôt un libelle contre Sarkozy qu'il nomme "l'homme aux rats" imitant les invectives zoologiques qu'affectionnait le procureur de Staline Vichinsky (1). Ainsi ces dernières années a-t-il trop souvent troqué l'estrade du maître à penser contre la tribune du démagogue, voire les trétaux du bateleur du haut desquels il lance au nom de Lénine, de Staline ou de Mao Tsé-toung des attaques contre tout ce qui n'est pas immigré clandestin. Il est vrai que depuis Jean-Paul Sartre certains philosophes se drapent volontiers dans le manteau du radicalisme révolutionnaire tout comme ceux du bas empire s'affublaient du "tribon" cynique (2). Aujourd'hui, cependant, les enjeux sont autrement plus graves. Badiou s'en prend à l'Occident [qui] voudrait interdire l'apparition [...] de ce qui lui fait réellement peur: un pôle de puissance hétérogène à sa domination, un "Etat voyou" comme dit Bush, qui aurait les moyens de se mesurer aux actuelles ''démocraties''", surtout si se réalise "l'alliance à venir des Etats voyous de l'extérieur e des voyous de l'intérieur". La pensée de la future chute de l'empire américain grâce à la conjonction des deux prolétariats extérieur et intérieur dont il emprunte l'idée à Toynbee fait saliver Badiou (3). Faut-il comprendre qu'il appelle de ses voeux un conflit dans lequel l'Occident, c'est-à-dire les pays de civilisation européenne de part et d'autre de l'Atlantique succomberait à la violence de ce "pôle de puissance" (l'Iran nucléarisé?) et de sa cinquième colonne à savoir les musulmans immigrés? La haine que voue Badiou à l'Occident est telle qu'en l'exhalant il ne peut s'empêcher de donner inconsciemment des arguments inespérés aux xénophobes. Dans son pamphlet déjà cité il surenchérit de racisme involontaire. "Les ouvriers de provenance étrangères, dit-il, doivent être [...] honorés en tant que tels". Dans ses phantasmes, il les voit "s'organiser comme puissance politique populaire afin que tout un chacun, fût-ce sous l'effet d'une crainte salutaire de leur force, les considère comme l'honneur de ce pays". Vous avez bien lu: le peuple de France devrait être contraint par la terreur à honorer les immigrés illégaux fraîchement débarqués qui sont, comme dit le mot d'ordre de Badiou, "d'ici puisqu'ils sont ici". 

Son amour éperdu pour tout ce qui n'est pas français lui inspire des accents d'un lyrisme quasi-raciste. Je cite: "La masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoignent dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde, [qu'ils] nous apprennent à devenir étrangers à nous-mêmes, [...] assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s'achève, et dont nous n'avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre" (4). Les immigrés, eux, savent ce qu'ils font quand ils affluent, souvent au péril de leur vie, dans de "vieux pays fatigués" au lieu de rester dans de jeunes pays dynamiques, où règne, comme chacun sait, la paix et la créativité.

Pour Badiou, les différences entre groupes humains n'ont d'importance que lorsqu'il s'agit de dévaluer les pays de vieille civilisation, les occidentaux et les blancs. Dans tous les autres cas, elles "n'ont aucun intérêt pour la pensée". La multiplicité de l'espèce humaine, dit-il, "est tout aussi flagrante entre moi et mon cousin de Lyon qu'entre la ''communauté'' chiite d'Irak et les gras cow-boys du Texas" (5). Ainsi la langue, la religion, une histoire multiséculaire, les traditions, les coutumes, la culture (au sens français du mot), voire éventuellement le type physique ou la couleur sur lesquels insiste lourdement notre philosophe, tout cela qui forme une identité serait nul et non avenu. Pourtant un groupe (une nation par exemple) y tient par dessus tout et en outre c'est dans cette particularité que s'enracine la valeur universelle de sa contribution au patrimoine spirituel de l'humanité. Mais pour Badiou au lieu d'attacher de l'importance à "la prédication éthique sur "l'autre" et sa "reconnaissance", on doit plutôt s'interroger sur la prise en considération de ce qui fait que tous les hommes sont les mêmes. Or cet "autre" veut obstinément rester tel. Beaucoup d'immigrés refusent de s'assimiler, beaucoup de Français refusent de ressembler à des immigrés. Badiou confond le brouet insipide d'un cosmopolitisme stérile, dans lequel se diluent toutes les cultures, avec l'idéal moral de l'universalisme. Seuls les demi-savants opposent celui-ci au sentiment de l'identité nationale entendue comme il convient. 

 

(1) Les accusés des procès de Moscou étaient selon Vichinsky "des rats visqueux et des vipères lubriques"

(2) Tribon, vêtement grossier qu'affectaient de porter les philosophes cyniques.

(3) Selon Toynbee l'empire romain s'est effrité sous les coups d'un prolétariat intérieur (les esclaves et les pauvres) et d'un prolétariat extérieur (les barbares).

(4) Toutes les citations qui précèdent sont tirées de la brochure de Badiou De quoi Sarkozy est-il le nom?

(5) Cette citation et celles qui suivent proviennent du livre de Badiou L'Ethique.

 

Le contenu de la note ci-dessus est développé dans deux passages des chapitres I et VIII de mon livre sur Badiou; voir note précédente.

11:41 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

08/11/2009

signature de mon nouveau livre

Ce Lundi 9 novembre à 18h30 je signerai à la librairie de l'Harmattan 16 rue des Ecoles (Paris Ve) mon nouveau livre intitulé De quoi Badiou est-il le nom. Pour en finir avec le (XXe) siècle. Voir mon site: Peinture et Philosophie http://www.kostasmavrakis.fr/

23:36 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)

07/11/2009

Nous ne sommes plus à l'époque de Maurras

Dans son livre Le procès des Lumières, Daniel Lindenberg fait grand cas d’un retour à Maurras qu’il observerait à notre époque. Celle-ci, pourtant, diffère radicalement de celle du penseur monarchiste en ce qu’aujourd’hui les classes supérieures (en gros les riches) ont basculé dans leur majorité du côté des ennemis de la religion, de la famille, de l’art et de la civilisation. Voilà pourquoi nous (la vague constellation de ceux à qui s’en prend Lindenberg) ne pouvons être maurrassiens ni défendre les hiérarchies sociales. Nous disons aux possédants : « à vous de voir si vous souhaitez nous rejoindre sur la base de nos principes. Sachez seulement que sans principes, sans socle idéologique, aucun ordre ne dure. Pensez à l’URSS ; elle s’est écroulée quand l’emprise du marxisme-léninisme s’est dissipée y compris dans la nomenklatura. C’est en vain que vous vous efforcez d’imposer votre nihilisme et votre cynisme en envahissant les lieux culturels avec les misérables productions du non-art. Bien sûr on vous comprend de préférer vouloir le rien plutôt que ne rien vouloir (pour reprendre le mot de Nietzsche) mais ce ne sont pas les grosses plaisanteries de Jeff Koons ou de Maurizio Cattelan qui vont asseoir votre à hégémonie spirituelle. Comme on ne peut guère s’appuyer sur du vide, votre pouvoir pourrait bien se révéler, à l’instar de tant d’autres, un colosse aux pieds d’argile.

 

Ce lundi 9 novembre à 18h30 je signerai mon nouveau livre intitulé : De quoi Badiou est-il le nom? Pour en finir avec le (XXe) siècle à la librairie l'Harmattan 16, rue des Ecoles (Paris Ve). Voir mon site : Peinture et philosophie, http://www.kostasmavrakis.fr/ et dans ce blog à la rubrique "Culture"