Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/06/2009

Michel Deguy raciste

Dans un texte d'une intollérance haineuse inséré, parmi d'autres du même acabit, Michel Deguy écrit ceci: "Allemagne chrétienne décida qu'une partie de l'humanité ne devait plus exister. Oui ou non, l'Allemagne était-elle chrétienne? Oui. Oui ou non, les Allemands ont-ils exterminés les Juifs d'Europe? Oui"(1). Aux yeux de l'auteur cela justifie la mort des chrétiens "Ils auront vécu", dit-il, au sens latin comme "a vécu la jeune Tarentine".

Eh bien à ses questions rhétoriques c'est très catégoriquement que je répondrai non. L'Allemagne n'était pas chrétienne. Une partie l'était. Ce ne sont pas les Allemands qui ont exterminé les Juifs, des Allemands l'ont fait et ceux qui ont donné les ordres étaient tous furieusement hostiles dans le style nietzschéen au message du juif pacifiste Jésus, notamment Hitler. Lorsque certains de ses fidèles l'interrogèrent sur sa très relative mansuétude envers les chrétiens, il leur répondit : "Leur tour viendra. Ils ne perdent rien pour attendre mais maintenant la priorité c'est de gagner la guerre.

En extrapolant de la partie au tout, en faisant peser sur la totalité des membres d'une nation passés, présents et futurs la culpabilité de la Shoah, Deguy fait preuve d'un racisme typique. Il partage avec Hitler cette idéologie criminelle et une détestation des chrétiens non moins fanatique.

(1) Cf. Pourquoi nous ne sommes pas chrétiens, Max Milo Editions, 2009, p 16.

22:32 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)

24/06/2009

Les qualités esthétiques sont objectives

La vie postume de certains grands artistes a connu de longues éclipses. J.-S. Bach fut oublié pendant huit décennies jusqu'au moment où Mendelssohn l'exhuma; Vermeer, dont les tableaux ont toujours eu la cote en vente publique, n'est entré dans l'histoire qu'au XIXe siècle grâce au critique Thoré-Burger; au XXe siècle les toiles de Guido Reni ont longtemps séjourné dans les réserves du Louvre avant de retrouver les honneurs des cimaises par la volonté d'un nouveau directeur, Rosenberg. On aurait tort, cependant, de conclure de cette existence intermittente que les qualités esthétiques des oeuvres d'art ne leur sont pas intrinsèques. Ce qui est objectif n'est pas toujours perçu par les spectateurs. S'il arrive qu'à une période ces qualités semblent s'estomper pour s'entensifier à la suivante, comme ce fut également le cas pour les peintres pompiers, cela tient aux fluctuations de la mode et aux changement dans la sensibilité du public induits par les transformations de la société. C'est que les propriétés esthétiques d'une oeuvre d'art ne sont pas les seules à déterminer le jugement la concernant, quoiqu'elles finissent par l'emporter. Les préjugés idéologiques y sont pour beaucoup. Cependant sur le long terme un consensus s'impose qui ne peut s'expliquer si l'on ne le rapporte pas à des traits objectifs.

En voici la preuve. On peut évaluer à 25.000 environ les peintres ayant exposé régulièrement dans les salons des pays européens au XIXe siècle. Consultons l'index des histoires de l'art publiées depuis une centaine d'années par des auteurs dont les préférences artistiques étaient sûrement très dissemblables. Pourtant une cinquantaine de noms sont présents dans tous ces livres. D'autres figurent dans les uns et pas dans les autres. En revanche 98% des peintres sont ignorés par tous les ouvrages de synthèse. Certains incluent Charles Tournemine, d'autres pas. Mais si la question se pose pour ce peintre, elle ne se pose pas pour Eugène Pavy ou Hortense Richard qui pourtant ont eu leur instant de gloire. La seule explication est que les auteurs partagent les mêmes critères d'exclusion et que certaines caractéristiques qui inclinent à écarter une oeuvre ne dépendent pas du seul goût idiosyncrasique variable selon les individus.

Sans un concensus fondé sur des critères objectifs l'histoire de l'art ne serait pas possible car elle suppose la distinction de ce qui mérite d'être retenu.

19/06/2009

En matière d'art Alain Badiou est du côté du grand capital

Badiou se plaint « d’une propagande qui dénonce le caractère « dépassé » des avant-gardes » (Cf.L’Ethique Nous, Caen 2003 p 79). Comme toujours il aime bien (et trouve habile) de se placer, contre l’évidence,  du côté des victimes. Qui peut le prendre au sérieux quand il suggère que les médias hostiles aux avant-gardes exercent une pression massive sur les artistes et les intellectuels alors que chacun  constate que la pression s’exerce en sens contraire. Badiou ne s’est pas rendu compte de ce que ce sont les tenants de l’avant-gardisme lui-même qui ont renoncé vers 1975 à l’expression « avant-garde parce qu’elle les rendait ridicules pour lui substituer « art contemporain » dont la fonction d’exclusion de l’art est exactement la même.

Le mécénat du grand capital en France finance exclusivement le non-art et contribue ainsi, parallèlement à l’action de l’Etat, au verrouillage du dispositif qui interdit la création artistique. Il le faut pour rendre possibles les jeux spéculatifs auxquels le non-art est seul à se prêter et aussi parce que le non-art ne peut coexister avec l’art. Cette action est menée notamment par l’intermédiaire de fondations comme celles mises sur pied par Pinault et des entreprises appartenant au secteur du luxe telles que Cartier, Hermès, LVMH, Bernard Arnault, Bernardaud, Rolex, Guerlain. Le budget publicité de ces maisons est colossal et permet de s’assurer une couverture favorable par les médias. On ne s’explique pas autrement le monopole de la propagande qui promeut l’académisme anti-artistique dans notre pays prétendument démocratique. Face à ces réalités il est clair que les attitudes révolutionnaires de Badiou ne sont rien d’autre que des poses pour la galerie.     

15:00 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

17/06/2009

Badiou : l'Identité et l'universel

"L'identité est chose précieuse pour laquelle on peut tuer et mourir" dit l'historien Paul Veyne. Je le pense aussi et c'est pourquoi je m’inscris résolument contre l’affirmation d'Alain Badiou selon laquelle « le Même est ce qui porte l’universalisme » Cf.L'Ethique Nous 2003 p 24) bien qu’elle semble aller de soi. Je suis persuadé en effet que la création dans tous les domaines de l’esprit surgit sur fond d’affirmation identitaire et je le montrerai dans un instant.  Mais auparavant je voudrais attirer l’attention sur le fait que cette évidence triviale (le Même c’est le même que le Même) conduit à des absurdités. Pour Badiou au lieu d’attacher de l’importance à « la prédication éthique sur ‘‘l’autre’’ et sa ‘‘reconnaissance’’», on doit plutôt s’interroger sur « la reconnaissance du Même » (p 43) car les différences religieuses et nationales « n’ont aucun intérêt pour la pensée ». « L’évidente multiplicité infinie de l’espèce humaine est tout aussi flagrante entre moi et mon cousin de Lyon qu’entre la « communauté » chiite d’Irak et les gras cow-boys du Texas » (p 44). Ainsi la langue, la religion, les traditions, les coutumes, la culture (au sens français du mot), le type physique sur lequel insiste notre philosophe, tout cela qui constitue l’identité d’un groupe social à laquelle ce groupe tient plus que tout au monde est pour Badiou comme nul et non-avenu. Il devrait pourtant se souvenir de ce dictum de Mao Tsé-toung : « la différence (sous entendu : serait-elle minimale) est déjà une contradiction ». Doit-on renoncer à penser les contradictions et les conflits ?

Considérons l’expérience réalisée à l’université de Cardiff par Henri Tajfel et son équipe. On a fait passer à des garçons de quinze ans des tests psychologiques sommaires et complètement fictifs au sens où ils n’enregistraient et ne mesuraient rien. Après quoi chaque garçon se vit annoncer au hasard qu’il était soit un « Julius », soit un « Augustus ». On ne donnait aucune définition de ces termes et les intéressés ne savaient même pas qui étaient les autres camarades de leur catégorie. Néanmoins ils eurent vite fait de s’identifier à celle-ci, tous très fier de lui appartenir au point d’être prêts à faire des sacrifices financiers au profit de leurs frères anonymes et à nuire à ceux de l’autre camp[1].

Les résultats de cette expérience répondent en un sens à la question « what’s in a name ? » du fameux monologue de Juliette. Au regard de la vérité amoureuse produite par sa rencontre  avec Roméo, cette différence de nom est en effet insignifiante et pourtant on ne peut la négliger puisqu’elle est à l’origine du drame. Tajfel a démontré qu’un nom dépourvu de  signification attribué arbitrairement suffit à créer un sentiment d’identité qui détermine les comportements, suscite des conflits et produit petit à petit une histoire. Ce faisant, il n’a pas confirmé la thèse de Lacan (et de Badiou) selon laquelle les identités (par exemple celle du Moi) sont imaginaires, mais seulement qu’elles peuvent l’être. C’est à Mao Tsé-toung qu’il a donné raison en mettant en évidence comment un signifiant sans signifié (une différence minimale) enclenche à lui seul le processus qui engendre une identité. Il est évident que l’emprise d’un nom sur les individus, leur sentiment d’appartenir au groupe qu’il désigne, seront infiniment plus forts si ce nom s’applique à une réalité « substantielle » (horresco referens) caractérisée par une langue, une religion etc.[2] Contrairement à ce que dit Badiou, cela n’est pas sans intérêt pour la pensée.

Prenons la langue, justement. Peut-on concevoir la vérité du poème autrement que comme un travail sur la langue, dans le corps à corps charnel du poète à l’idiome maternel ? Pourtant, en droit, le poème, comme toute œuvre d’art, s’adresse à tous. Mais l’étranger ne pourra y avoir accès qu’au cours d’un processus d’assimilation de la langue du poème, de la culture qu’elle véhicule avec l’ensemble des connotations qui donne de l’épaisseur et de la vie aux mots, aux métaphores aux métonymies. N’est-il pas évident que cet universel est inconcevable sans cet enracinement dans une particularité irréductible ? Ce n’est pas le Même qui porte ici l’universel mais ce par quoi une langue et une culture diffèrent des autres.

A l’échelon supérieur en termes d’extension, celui de la civilisation, c’est absolument la même chose car les autres arts : la musique, l’architecture, la peinture, la sculpture, les arts mineurs et décoratifs ont eux aussi une langue propre à chaque tradition. C’est pourquoi la différence entre la communauté chiite d’Irak et les cow-boys du Texas est  infiniment plus grande que celle qui sépare le parisien xyz de son cousin de Lyon.



[1] Cf. Arthur Koestler : Janus, Calmann-Lévy 1979, pp 99-100.

[2] J’ai ajouté entre parenthèses « horresco referens », formule tirée de Virgile, (je frémis en en parlant) de peur que Badiou qui n’a pas le sens de l’humour ne se rende pas compte que je le taquine.