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06/01/2009

Les experts incompétents

L’oligarchie libérale régnante aime à désigner son pouvoir par l’anglicisme « gouvernance » qui déguise la gestion de ses intérêts particuliers sous les dehors d’une rationalité au service de l’intérêt général et fait disparaître les choix politiques derrière de prétendus problèmes techniques dont la solution s’imposerait à tous. Il est bon de démystifier de temps en temps ce discours en s’appuyant sur des exemples précis et incontestables. D’autres l’ont fait pour l’économie et on a vu ces derniers temps comment les représentants du grand capital s’entendent à faire combler par ceux qui travaillent les pertes de ceux qui spéculent. Ma cible dans cette note est une autre espèce d’autorité : celle des « appareils idéologiques d’Etat » (pour user du concept d’Althusser) qui interviennent dans la vie culturelle et artistique. J’évoquerai donc les commissaires d’une fameuse exposition Turner à Paris qui, soucieux de donner des ancêtres glorieux au modernisme, présentèrent les ébauches et les esquisses de cet artiste comme des peintures achevées. Or Turner – qui retouchait ses tableaux jusque et y compris le jour de leur accrochage – nous a fourni dans son testament un critère pour distinguer les œuvres qu’il revendiquait : ce sont celles qu’il a exposées de son vivant.  Ce qui excluait les toiles trouvées à sa mort dans son atelier et au vu desquelles on nous invite à le tenir pour un précurseur de l’abstraction. Un autre cas d’ignorance nous est offert par Philippe Dagen qui a publié dans Le Monde du 14-15 septembre 2008 un article intitulé « Bacon victime d’un accrochage » et consacré à la rétrospective de la Tate Gallery. Il y parle des « toiles corsetées de sinistres cadres dorés » alors que ces cadres étaient voulus et choisis par Francis Bacon lui-même ! 

11:59 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

05/01/2009

Les palinodies de Philippe Dagen

 l n’y a peu j’ai proposé quelques réflexions sur un article de Philippe Dagen qui qualifiait d’œuvres artistiques réalistes les lacérations d’affiches commises par le dénommé Villéglé, une des gloires du Centre Pompidou. Moins d’un mois et demi plus tard, Dagen tient un discours très différent sur le même sujet à savoir le non-art plus ou moins contemporain. Il s’en prend à des figures phares de l’establishment mondial dans ce domaine tel que Charles Saatchi vice, président du parti conservateur anglais, ancien publicitaire et nouveau spéculateur professionnel en objets antiartistiques. Ce personnage, organisateur de l’exposition « Sensation » à la Royal Academy en 1997, avait promu à cette occasion les frères Chapman qui s’étaient fait connaître en exposant des « mannequins de jeunes filles et garçons sur les visages et les corps desquels étaient implantés en grand nombre des sexes féminins et masculins ». Par la suite, ces « artistes » se sont spécialisés dans le barbouillage d’aquarelles de la main d’Hitler. A défaut de qualités artistiques éminentes, ces dernières œuvres à présentaient au moins l’intérêt qui s’attache à des documents historiques. Leur destruction par les frères Chapman ne produit aucun effet de sens, elle est une simple opération commerciale. Le champion en cette matière (l’art de faire de l’argent avec rien) est Damien Hirst qui doit lui aussi sa célébrité à Saatchi. Tout le monde a entendu parler de ses veaux, vaches, moutons, entiers ou découpés en tranches et conservés dans du formol. Je vous épargne d’autres exemples qui risqueraient de troubler votre digestion. Dagen ne s’arrête pas là et met en cause d’autres célébrités comme Maurizio Cattelan ou Jeff Koons (mais non Jan Fabre). Il dénonce un art qui non seulement n’a « aucune critique à formuler contre [le capitalisme] mais flatte quelques-uns de ses milliardaires en les faisant passer pour des protecteurs des arts ». Il se trouve que Philippe Dagen s’est fait l’avocat zélé du non-art qu’il nomme sans vergogne « art ». C’est avec son concours que Le Monde a toujours pesé de tout son poids (qui est grand) en faveur de ce que son collaborateur semble critiquer aujourd’hui. On doit se garder de voir en lui un travailleur de la onzième heure. Il n’y a dans son attitude actuelle nul revirement mais une preuve de sa souplesse tactique. Il est d’ailleurs coutumier du fait : un coup à gauche, un coup à droite. Notre homme sait que de temps en temps des concessions sont nécessaires pour préserver l’essentiel et ne pas perdre toute crédibilité. Face aux puissances de l’argent, il prend d’ailleurs des gants et s’en tient à des généralités. Il s’abstient ainsi de nommer Pinault dont la collection compte des dizaines de Koons. Faut-il s’étonner que cet anartiste soit à l’honneur au musée de Versailles? Le président de cet établissement public est Jean-Jacques Aillagon qui a été conseiller de François Pinault pour sa fondation. Ce serviteur de l’Etat fait ainsi un magnifique cadeau à son ancien patron qui lui renverra sûrement l’ascenseur. Si vous estimez que cela ressemble à de la prise illégale d’intérêts, vous n’aurez peut-être pas tort. 

Lire sur des sujets connexes mes notes du  14 décembre, 1 déc. et 15 nov.            

L’anti-art à Versailles Les raisons inavouables

 Ce qu’on devrait nommer non-art s’étale au Louvre, au musée Rodin, au château de Fontainebleau et au palais de Versailles sans compter des expositions plus anciennes à Saint-Etienne-du-Mont et Saint-Eustache. Il y est invité par les autorités de l’Etat et de l’Eglise qui se gardent bien d’accorder ce privilège aux artistes véritables, condamnés à une sorte de clandestinité. Comment expliquer un phénomène aussi étrange et qui sans doute, un jour, paraîtra monstrueux ?

Après avoir consacré des milliards en France et dans le monde à la construction de musées du prétendu « art contemporain », les tenants de cette supercherie ont dû se rendre à l’évidence : le public cultivé déserte ces espaces. La solution qu’ils ont trouvée à leur problème de fréquentation a été de coloniser et de parasiter les hauts lieux du grand art traditionnel. De la sorte, ils peuvent aussi insinuer l’idée que le non-art est de l’art au même titre que celui d’autrefois avec l’avantage d’être contemporain. Cette propagande est bien éloignée de la vérité car l’art contemporain est centenaire et prend le contre-pied de l'art.

L’identification du non-art à l’art est une usurpation d’identité grâce à laquelle le premier se substitue au second afin de l’éliminer car il ne peut en supporter la concurrence pas plus que les ténèbres ne peuvent subsister en présence de la lumière.Le monde du non-art s’est hissé à sa position dominante en s’appuyant sur des caractéristiques d’une époque où plus que jamais règne l’argent. Jadis une œuvre d’art était recherchée parce qu’elle était source de délectation esthétique. Aujourd’hui on lui attribue de la valeur parce qu’elle coûte cher. Il y a confusion de la valeur d’échange avec la valeur d’usage. C’est bien commode pour les béotiens fortunés car pour apprécier les objets « art contemporain », il suffit de savoir compter, alors que discerner le remarquable du médiocre dans l’art proprement dit exige du goût et de la culture.     

La cote du non-art est maintenue grâce à la conjonction de trois tendances prédominantes chez ses acquéreurs. Ce sont avant tout de nouveaux riches collectionneurs, joueurs et snob. Se fixer sur n’importe quel objet indépendamment de sa valeur réelle est typique de la manie du collectionneur. Le joueur, quant à lui, veut gagner beaucoup et vite. S’il peut influencer la chance parce qu’il détient certaines informations ou parce qu’il peut créer certains événements c’est mieux que de jouer à la roulette. Il devient alors spéculateur. La spéculation sur l’art contemporain est celle qui, pour quelques-uns, présente le moins de risques tout en étant la plus gratifiante parce qu’elle flatte leur snobisme. Daniel Buren l’a reconnu candidement dans une interview au Monde du 25 juillet : « La seule façon pour un nouveau riche de passer la barrière infranchissable de l’establishment, c’est d’y entrer par le biais du monde de l’art. Celui qui donnait dix œuvres au Musée d’art moderne de New York pouvait dîner à côté de Rockfeller » (fondateur du musée). Pour faire fonctionner les réflexes du snobisme; pour faire saliver au bon moment les chiens de Pavlov, il fallait cependant un conditionnement préalable. Il fut assuré par le discours habile des avant-gardistes qui commencèrent par persuader les philistins bourgeois que plus une œuvre s’éloignait de la conception canonique de l’art plus elle était géniale. Dans un second temps, ils ont exploité la peur panique des politiciens de ne pas être assez modernes, assez avancés. En effet, chez le snob, rien ne rend bête comme la peur de le paraître.

Cette situation ne durera pas toujours. L’idole de la modernité est vouée à la faillite comme les précédentes, par exemple le communisme lui aussi fondée sur la croyance au productivisme et au progrès qu’il apporterait. Un progrès dont on voit qu’il détruit la planète. En attendant, l’Etat, loin de mener une « politique de civilisation », propage la barbarie en prenant en otage les visiteurs de Versailles. Les princes qui nous gouvernent se sentent apparemment obligés de promouvoir des charlatans à cause des intérêts colossaux en jeu : qu’on songe aux milliards qui partiraient en fumée si l’on reconnaissait que le roi est nu et que le non-art est du non-art au grand dam de MM Pinault, Arnault, Saatchi, Ludwig et compagnie.

 

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