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17/10/2012

La Grèce antique et le pseudo-mariage des homosexuels

L’actuel débat (appelons-le comme ça) sur le mariage homosexuel gagnerait en rigueur et en clarté si les intervenants tenaient compte de quelques faits historiques qu’on se plaît à méconnaître. Peut-on nier la sincérité de l’amour homosexuel, nous dit-on, et n’est-il pas vrai qu’il fut une brillante civilisation dans laquelle cet amour était hautement estimé? Cela ne devrait-il pas nous inciter à envisager avec faveur tout ce qui va dans le sens d’une « reconnaissance » officielle des liaisons établies sur cette base ? Examinons donc ce que nous enseigne l’exemple de la Grèce.

Comme chez nous naguère, les mariages y étaient plus ou moins arrangés en tenant compte de la situation de fortune et des rapports entre les familles. En simplifiant beaucoup, les Grecs disaient « nous avons des courtisanes (hétaïres) pour le plaisir et des épouses pour nous donner des enfants légitimes ». Si l’on ajoute ce qui se faisait à d’autres époques et en d’autres sociétés, on se verra confirmé dans l’idée que le mariage n’a jamais été la reconnaissance sociale d’un amour mais d’abord une institution pérennisant l’engagement d’un homme et d’une femme de fonder une famille afin que leurs enfants soient élevés dans les meilleures conditions possibles. De plus, et ce n’est pas accessoire, l’échange des femmes ainsi sanctionné rend possible le lien social comme l’a montré Claude Lévi-Strauss. Il est vrai que l’attirance que certains hommes éprouvaient à l’égard des garçons, on appelait cela ta païdica, n’était pas vue d’un mauvais œil par les Lacédémoniens ou les Thébains parce qu’ils jugeaient que le partenaire le plus âgé (l’érastès  « amoureux ») remplissait un rôle éducatif vis-à-vis de son jeune camarade (l’éromène « aimé »). Ce qu’ignorent généralement les apologistes des revendications homosexuelles, c’est que ces rapports, éminemment éphémères puisqu’ils prenaient fin dès que l’adolescent cessait d’être imberbe, avaient un caractère strictement « platonique ». Ils n’étaient pas censés aller au-delà des marques d’affection pour déboucher sur des rapports physiques et un accouplement. On désignait ceux qui n’avaient pas seulement de tels penchants mais passaient à l’acte d’un terme déshonorant : katapugon dans lequel il y a pugué qui signifie : fesses, derrière. Bailli dans son dictionnaire n’ose pas donner la traduction exacte qui est « sodomite » et rend katapugon par une périphrase : « infâme débauché ». Aussi, dit Plutarque, « rangeons-nous les jeunes gens qui consentent à subir de tels assauts dans la catégorie des êtres les plus dégradés ». Voilà pourquoi l’homosexualité au sens propre était en Grèce interdite et punie par la loi partout sauf en Elide.

Le dialogue sur l’amour (Eroticos) de Plutarque que je viens de citer nous raconte une histoire peu banale. Isménodora, jeune veuve de Thespies, riche belle et vertueuse a fait enlever un jeune homme, Bacchon, de famille modeste et s’apprête à célébrer son mariage avec lui. L’émotion est grande et la petite ville se partage entre ceux qui soutiennent la veuve entreprenante et ceux qui voudraient s’opposer à ses épousailles. Parmi ces derniers, Pisias, un des interlocuteurs de Plutarque, qui poursuivait Bacchon de ses assiduités. Il n’entend pas lâcher son éromène pour une femme à laquelle il reproche de sortir de son rôle en prenant l’initiative. Selon lui, tolérer de tels agissements serait subvertir la société. « La loi naturelle est violée, dit-il, quand les femmes commandent »[1]. L’invocation de la nature par Pisias, thuriféraire de l’amour des garçons, ne manque pas de sel. En fait, dans ce dialogue, les apologistes de la pédérastie apparaissent comme misogynes. Plutarque, qui exalte au contraire l’amour hétérosexuel et plus particulièrement l’amour conjugal, est un féministe fervent. Il a écrit un livre sur Les exploits des femmes et il conclut son Eroticos par les exemples de Camma et d’Empona (Epponine chez Tacite), l'une Galate, l'autre Gauloise, qui ont élevé l’amour et la fidélité conjugale jusqu’à l’héroisme. Ce que suggère ce dialogue est que le féminisme chez les hommes va de pair avec une attitude critique, vis-à-vis de la pédérastie et vice-versa.

                                  



[1] Cf. Plutarque : Œuvres morales t. X, Editions « Les belles lettres », Paris 1980 p 64. J’ai corrigé la traduction.

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11/10/2012

La famille et son simulacre

Ceux qui taxent d’«homophobie» l’opposition au « mariage » homosexuel tombent dans une double erreur : ils stigmatisent abusivement leurs adversaires comme atteints d’un trouble  mental (une phobie),  tout en les accusant, à tort, de haïr les homosexuels. C’est au contraire sur la base d’une attitude bienveillante à leur égard qu’on peut et doit critiquer la loi en préparation. Autrefois sévèrement réprimés (c’est toujours le cas dans les pays musulmans), ils ont conquis leur émancipation quand il fut admis que les goûts et les pratiques sexuels ne regardaient pas l’Etat. Demander à celui-ci qu’il sanctionne officiellement ce qui relève de la vie privée d’individus particuliers semble aussi dangereux pour les intéressés que dépourvu de sens pour la société dans son ensemble.

Dans son Cours familier de philosophie politique (Fayard 2001), Pierre Manent a développé sur cette question des réflexions autrement plus justes et pénétrantes que tout ce qu’on lit ces temps-ci dans les gazettes. Je commencerai donc par en proposer un abrégé. On peut, dit Manent, « satisfaire la plupart des revendications des homosexuels […]. Mais pas toutes. […]Il est impossible que le corps politique ‘’reconnaisse’’ leur ‘’style de vie’’ : aucun ‘’style de vie’’ n’est ‘’reconnu’’ par notre régime. C’est pourquoi il est libéral. Mais il ‘’reconnaît’’ le ‘’mariage hétérosexuel’’ ? Certes, et pour une bonne raison : ce mariage produit des enfants, c’est-à-dire des citoyens, et cela relève de l’intérêt public ».

 Après avoir évoqué les artifices techniques destinés à contourner cet argument (adoption, fécondation in vitro, mères porteuses), Manent poursuit : « On veut priver de toute validité, de toute pertinence, la ‘’division naturelle’’ entre les sexes. Mais pour obtenir quel résultat ? Une famille qui imite » celle fondée sur cette division […] Le ‘’mariage homosexuel’’ imite le mariage hétérosexuel, et aucune invocation de l’’’égalité des droits’’ ne le délivrera de cette contradiction. Ceux qui réclament sa légalisation […] sont esclaves de la nature, au moment même où ils croient en triompher. Et Manent de conclure : « nous n’avons pas le droit d’exiger de nos concitoyens qu’ils approuvent nos ‘’styles’’ ou ‘’contenus de vie’’ : ce serait tyrannie. Que la dignité de chacun soit respectée, c’est le moins qu’on puisse demander, mais c’est aussi le plus que l’on ait le droit de demander » (op. cit. pp 324-326).

Plus haut, Manent avait montré que contrairement à Kant le moralisme contemporain identifie le respect de la dignité humaine au « respect des ‘’contenus de vie’’, quels qu’ils soient de l’autre être humain. […] Or cette formule n’a pas véritablement de sens. Ou son seul sens assignable, c’est qu’on demande d’approuver, d’apprécier, de valoriser, d’applaudir tous les contenus de vie, tous les choix de vie, tous les styles de vie » ce qui revient à considérer nos choix personnels comme sans importance ni signification » (op. cit. pp 321-322). Exiger de nous ce nihilisme est, encore une fois, tyrannique. Nous dirons donc à nos amis homosexuels: préservez la dimension transgresive de vos choix. Ils n'ont pas d'autre mérite. Gardez-vous de souhaiter une bénédiction étatique qui pourrait se transformer en son contraire. La norme légale fonctionne dans les deux sens. C'est là qu'est le danger pour vous auquel je faisais allusion. Chaque fois qu'on en appelle à l'Etat on retranche quelque chose de sa liberté.

 « L’abus de pouvoir » dont parle Paul Thibaud (Le Monde 28 septembre 2012) s’exerce aussi sur l’enfant privé d’une figure parentale masculine ou féminine. On demande à la loi de consacrer de telles situations dont l’enfant pâtit car il lui faut de la différence sexuelle, de l’asymétrie pour donner forme à son identité narcissique. Il en souffre aussi par suite d’une discrimination inévitable entre les enfants qui ont eu le droit de grandir auprès d’un père et d’une mère et lui-même. L’enfant a besoin enfin de savoir d’où il vient. La parenté biologique n’est pas rien comme vous le diront les généticiens et les éthologues. L’homoparentalité crée une catégorie d’individus à qui leur vraie ascendance aura été cachée au profit d’une autre fictive.

Pierre Manent, nous l’avons vu, insiste sur le fait que le mariage homosexuel imite le mariage conventionnel. Il me semble qu’il l’imite sur le mode de la parodie, de la mascarade, de la bouffonnerie. Cela ne pourra qu’affaiblir encore plus la famille véritable. Cette institution, au fondement du lien social, a déjà été sapée par le capitalisme (la moitié des mariages aboutissent à des divorces) au grand dam des enfants, c’est-à-dire des générations futures. Faut-il croire que le but de la gauche est de détruire ce qui reste de la famille en galvaudant le rite qui l'établit ?        

        

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30/09/2012

Le libéralisme du grand capital et la civilisation

On a raison de considérer le libéralisme, dont la puissance américaine est le bras armé, comme le pire ennemi de la civilisation et de l’humanité. Immoral, il nie toute autre motivation que le calcul égoïste en vue de maximiser l’utilité individuelle. Selon cette logique  l’enrichissement de quelques uns doit l’emporter sur toute autre considération. Puisque cela rapporte, les forêts tropicales, notre poumon, sont détruites et remplacées par des plantations produisant de l’huile de palme nocive à la santé. Pour la même raison les océans sont vidés de  leurs poissons et, acidifiés par le gaz carbonique, deviennent graduellement impropres à entretenir la vie, sauf celle des méduses. Ensuite le libéralisme s’oppose aux identités enracinées dans un héritage, une culture, une terre, un paysage. C’est qu’il ne supporte pas ce qui pourrait faire obstacle, si peu que ce soit, aux flux sans frictions de marchandises, de capitaux,  d’hommes voire de publicités anglophones. Or la création des œuvres d’art et des textes littéraires suppose cet enracinement.

Qu’on se pose la question : pourquoi les Etats-Unis et l’Angleterre son appendice ancré au large de notre continent insistent aussi lourdement pour que la Turquie soit accueillie au sein de l’Union Européenne ? Depuis que ce pays a présenté sa candidature à l’adhésion il s’est islamisé sans que l’U.E. y trouve à redire. Le résultat est que ses ressortissants non-musulmans ne sont pas considérés comme de vrais Turcs. Les minorités musulmanes non-sunnites comme les Alévis sont discriminés, les Kurdes sauvagement opprimés. Les chrétiens orthodoxes n’ont même pas le droit d’utiliser leur bibliothèque de Halki. La Turquie n’est pas une nation démocratique et ne partage pas nos valeurs. La justice y est aux ordres, l’état de droit un rêve. L’étudiante franco-turque Sevil Sevimli en a fait l’expérience quand, en visite dans le pays de ses parents, elle fut jetée en prison parce qu’elle possédait un exemplaire du Manifeste communiste de Marx et d’Engels et qu’elle avait assisté à des concerts et autres manifestations parfaitement légales. Pendant trois mois elle a partagé le sort de plus de 700 étudiants turcs non moins innocents qu’elle mais qui, dépourvus de passeport étranger, moisissent dans les geôles d’Erdogan sans savoir quand ils en sortiront.  Ankara est en conflit avec les Chypriotes dont elle a envahit l’île. Elle l’est aussi  avec les Arméniens du Caucase et les Kurdes des confins de l’Irak, de l’Iran et de la Syrie. L’Europe devra-t-elle un jour lui manifester sa solidarité en lui prêtant main forte contre ces peuples lointains ? En fait, les Américains se font les parrains des Turcs pour dissoudre l’Europe dans l’Asie et détruire son unité civilisationnelle. De la sorte elle ne deviendra jamais une puissance autonome  ayant une ambition  propre.

Le libéralisme, idéologie du grand capital international, a favorisé en outre la substitution du non-art à l’art. Ce dernier, principale composante de toute civilisation, ne peut que gêner l’homogénéisation intégrale de l’espace marchand car les civilisations sont hétérogènes et multiples. Le vide du non-art est tellement plus congruent au « doux commerce » comme disait Montesquieu. Celui qui n’a rien à dire ne risque pas de contredire qui que ce soit. Le contenu de l’art  est presque toujours  religieux et nos maîtres d’école nous ont appris que religion signifie guerre de religions. Il est beaucoup plus pacifique de déclarer avec John Cage : « I have nothing to say, so I say it » : (je n’ai rien à dire, donc je le dis). On se souvient que John Cage fut l’auteur d’une parfaite illustration de la notion de  « non-art » en donnant un « concert » du silence. Je n’étonnerai personne en exprimant ma préférence pour Le Messie de Haendel. L’hyperclasse mondiale dominante organise l’oubli de Haendel en tant que musique vivante en rendant impossible la création d’œuvres véhiculant un égal potentiel d’émotion esthétique. Elle est responsable de la barbarie qui se répand insensiblement et paralyse la vie de l’esprit.

24/09/2012

Affaire Millet : dernières escarmouches

 Les deux notes que j’ai consacrées à l’affaire Richard Millet n’ont pas été comprises par tous mes visiteurs. Une mise au point qui intègre en outre les idées les plus intéressantes apportées par d’autres contributions au débat me semble donc utile.

Objet d’une véritable lapidation, l’écrivain s’est expliqué lui-même dans Valeurs acttuelles et L’Express sur ses thèses qui soulèvent tant de colère. Il l’a fait avec un bon sens et une modération qu'on lui reproche habituellement d’être dépourvu. L’ironie de son titre : « Eloge littéraire d’Anders Breivik », n’ayant pas été perçue il reconnaît que ce titre n’était pas heureux en ajoutant qu’au demeurant il avait condamné sans ambigüité les crimes du Norvégien. Il se scandalise même qu’on ait infligé à ce tueur de masse vingt et un ans de prison seulement, soit trois mois et quelques par victime.  Breivik l’a intéressé uniquement en tant que « symptôme monstrueux de la décadence et de la perte de sens de l’Europe ».  

Assouline trouve que la campagne orchestrée par Annie Ernaux  « promue chef de meute pour les circonstances » fait penser aux années 1944-1945, autrement dit pue l’épuration. Elle a rassemblé « l’habituelle cohorte des médiocres du petit monde littéraire » pour obtenir la tête d’un grand auteur sous une imputation aussi commode qu’elle est creuse et galvaudée : celle de fascisme. Ayant encouru cette flétrissure il « déshonore la littérature » dit-elle. Hélène Merlin-Kajman se demande : « Sade fait-il honneur à la littérature ? » et nous confie que cette question, il ne lui serait jamais venu à l’esprit de se la poser avant d’avoir lu la dénonciation  d’Annie Ernaux. Citons à ce propos Guy Debord : « Je ne suis pas un journaliste de gauche : je ne dénonce jamais personne ! ». Pour relativiser encore un peu plus la « faute » reprochée à Millet, celle d’avoir qualifié Breivik d’ »écrivain par défaut », rappelons en outre, à la suite de Bruno de Cessole, l’essai classique de Thomas de Quincey au sujet du tueur en série John Williams : De l’assassinat considéré comme un des beau-arts (1827).

Richard Millet ayant intitulé un de ses livres De l’antiracisme comme terreur littéraire, Robert Redeker développe des considérations philosophiques éclairantes sur l’accusation de racisme comme instrument de terreur pur et simple. « Un tel (aujourd’hui Millet, demain un autre) est possédé par le substitut moderne du Diable, l’opinion raciste ». Dans le langage courant « racisme et raciste sont des anathèmes employés hors de toute rigueur sémantique à l’instar de fasciste ou d’extrémiste ». « Le coupable [l’est] de tout le Mal circulant dans la société ». Pourtant le mal moral est désormais interdit d’énonciation car il est théologique et jugé moralisateur. « La mort de Dieu et la mort de l’homme [qui s’en suit, K. M.] a entraîné la ruine de la morale kantienne » dont la forme est désormais habitée par un contenu autre que l’impératif catégorique à savoir l’antiracisme. « Rien ne le révèle autant que la mise au pilori de Richard Millet ».

Dans ce contexte idéologique il n’est pas étonnant si la terreur dont parle ce romancier  s’avère  parfaitement efficace comme on l’a constaté avec la capitulation d’Antoine Gallimard. Pierre Nora non plus n’a pas fait preuve d’un grand courage. Il veut bien concéder à Millet le droit d’avoir ses idées et de les exprimer à condition toutefois que sa proximité professionnelle ne  compromette ni ne contamine le directeur de Débat. Esquissant une discussion des thèses de son collègue il écrit : « Il y a de bons arguments pour condamner le multiculturalisme et en redouter les conséquences. Il y a de bonnes raisons pour déplorer dans la période actuelle une anémie de la langue et un dépérissement de la littérature. Mais quel rapport entre les deux ? » Richard Millet lui avait déjà répondu dans L’Express : « ma réflexion vise à comprendre la concomitance du déclin de la littérature et de la modification en profondeur de la population de la France […] par une immigration extra-européenne massive [….] le multiculturalisme n’est qu’une des formes de la décomposition culturelle, spirituelle et sociale de l’Europe, … ». « C’est sans doute pour avoir touché du doigt l’alliance entre l’insignifiance culturelle de l’Occident et le multiculturalisme idéologique que je suscite une telle haine ».

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