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02/11/2009

Le non-art nostalgique du classicisme!

Ma précédente note sur la mafia de "l'art contemporain" montrait dans le cas d'un secteur de l'Etat combien peu dèmocratique est notre règime. Cette constatation n'est pas un scoop. La presse se réfère volontiers aux cercles où se prennent les décisions en parlant d'"élite politico-médiatique", de "Tout Paris" voire de "microcosme" mais seuls des esprits hétérodoxes et subversifs comme Cornélius Castoriadis osaient dire que la France était gouvernée par une oligarchie. Désormais il semble que Le Monde ait franchi le pas. Dans sa couverture de l'affaire Clearstream il mentionne sans ambages "l'oligarchie française". Je n'en suis pas autrememt réconforté y reconnaissant moins un accés de lucidité qu'un progrès du cynisme. Les dominants se sentent assez forts pour ne pas avoir à justifier les choix qu'ils nous imposent et quand ils semblent le faire c'est en se payant notre tête. Ne se heurtant à aucune contestation (ils sont les maitres des médias) leur discours est un monologue qui peut froler l'absurde sans gêne parce que sans risque.

J'en ai eu la confirmation ainsi que du caractére international de cette coterie en visitant la villa Pisani à Strà prés de Venise. Comme à Versailles et au Louvre on y exposait "Les classiques du contemporain". Par exemple l'oeuvre d'un certain Pistoletto ( ma chi lo conosce?), une table découpée en formes convexes et concaves dans du contreplaqué déparait par une note vulgaire et cheap la superbe salle de bal. Commentaire du conservateur : "cette table aide la culture méditerranéenne à dialoguer avec Giambatista Tiepolo". Le "dialogue en question se réduit au fait que la table étant recouverte d'un miroir, celui-ci refléte le plafond du grand peintre rococco: Nous devrions prendre au sérieux cette malheureuse facétie qui ne tient même pas debout logiquement puisque Tiepolo n'est pas moins méditerranéen que Pistoletto. Sur l'herbe du parterre ondulait une ligne de cailloux blancs disposés par un autre "classique" inconnu : Richard Long. L'auteur du dépliant nous aide à décrypter cette oeuvre trop profonde pour nos esprits débiles. Ces pierres nous feraient "réflechir sur l'ordre de la terre". Toujours sur le parterre un arbre sec couché de Giuseppe Penone. Explication du dépliant : "L'arbre et le corps humain ont beaucoup de choses en commun. L'une d'elles est l'eau". Le reste à l'avenant comme les petites sphères de Jannis Kounellis qui s'est fait connaitre jadis en exposant des chevaux. Selon les organisateurs, l'exposition est "un momemt de réflexion sur le role de la "classicité" dans le travail (sic) des artistes contemporains". Ceux-ci seraient animés "par la nostalgie du classicisme".

Depuis un siécle quiconque émettait la moindre réserve vis-à-vis du modernisme se faisait traiter de passéiste et de nostalgique. Soudain la nostalgie devient licite si elle aide à conforter la prétention des anartistes à être quand même des artistes, c'est-à-dire à se situer dans la continuité de l'ars perennis. Cette prétention leur permet d'occuper la place de l'art et d'interdire à celui-ci d'exister. C'était tout le contraire pour les génies de la Renaissance ou du renouveau néoclassique autour de 1800. Ouvertement nostalgiques de l'antiquité, ils créèrent, en l'imitant, un style propre à leur époque qui prolongeait l'histoire de l'art au lieu d'y mettre fin.

En sortant du Palazzo Pisani j'écrivis sur le livre d'or ces mots ironiques : "Jusqu'ici je désapprouvais qu'on permette au prétendu "art contemporain" de parasiter les hauts lieux de notre culture: Je viens de changer d'avis en voyant combien la confrontation est instructive : d'un côté, l'art, de l'autre le non-art".

24/10/2009

Aillagon et la mafia de l'art contemporain

 

La connivence en matière d’art contemporain entre politiciens, conservateurs, magnats de la finance devient de plus en plus manifeste à mesure que s’affirme le cynisme de l’oligarchie au pouvoir. C’est ainsi que s’explique l’invasion des lieux les plus prestigieux du patrimoine par le non-art contemporain. En l’occurrence Xavier Veilhan à Versailles et Jan Fabre au Louvre. Dès 2004, Daniel Buren avait été invité par Christine Albanel à montrer ce qu’il appelle son « travail » au château de Versailles. En octobre 2008, Jean Jacques Aillagon transforma le palais de Louis XIV en écrin pour les productions de la manufacture Jeff Koons. Que ce kitsch naïf semble tenu en haute estime par un ex-ministre de la culture est fascinant mais l’explication est autre et n’a rien à voir avec la qualité esthétique de ces objets. Aillagon a des goûts éclectiques. Après Koons, il s’apprête à faire venir Takashi Murakami et Maurizio Cattelan. Qu’ont de commun ces « artistes » ? Ils ne sont pas les auteurs des « œuvres » qu’ils signent, ils ont pour marchand Emmanuel Perrotin et ils figurent dans la collection de François Pinault. Or Aillagon a travaillé autrefois pour cet homme d’affaires. C’est un beau cadeau qu’il a fait à son ancien patron. Un anartiste accueilli dans un grand musée voit sa cote grimper, ce qui permet de juteuses plus-values. Je ne jurerais pas que ce service soit désintéressé. Ces représentants du petit monde de l’art contemporain qui ont fait main basse sur tous les musées sont liés par des intérêts communs et s’entendent comme larrons en foire. Ils mettent à contribution toutes les ressources de l’Etat dans un effort gigantesque pour imposer le non-art au public qui s’en détourne obstinément.

Eux s’en défendent. Ils prétendent qu’en invitant des anartistes ils accroissent la fréquentation des musées d’art classique. A les croire, le bon peuple rechercherait l’art contemporain. Comment se fait-il alors que les musées qui lui sont consacrés ne bénéficient pas de cet engouement ? Pourquoi cet art prétendu doit-il parasiter l’art d’autrefois pour exister ? Si la montagne ne va pas à Mahomet, c’est Mahomet qui va à la montagne. Ayant constaté que les foules ne se pressaient pas dans les musées d’art contemporain, les responsables du ministère de la culture ont décidé de mettre celui-ci en évidence là où sont les gens afin de forcer les amateurs d’art à voir ce qui ne les intéresse pas.

Henri Loyrette, président du Louvre qui s’est engagé, comme par hasard, dans la même voie, déclare que ce palais « est un musée où sont toujours intervenus les artistes vivants » et de citer Hubert Robert, Delacroix et les étudiants des Beaux Arts qui venaient y copier les chefs-d’œuvre. Or Loyrette sait fort bien que les « artistes » qu’il invite ne viennent pas pour se mettre à l’école des grands maîtres. Il sait aussi qu’entre les rayures de Buren et les vastes compositions de Delacroix il n’y a rien de commun. Si bien que le mot « art » n’a pas la même signification selon qu’il s’applique aux premières ou aux secondes. Ce sont des homonymes non des synonymes. L’art a été l’objet d’une usurpation d’identité. Ce tour de passe-passe relève de l’escroquerie intellectuelle. Alliagon et Loyrette cachent à l’opinion que les portes de leur musée largement ouvertes au non-art sont hermétiquement fermé

14/10/2009

L'art selon Philippe Dagen

Dans Le Monde daté du 16 septembre, Philippe Dagen a consacré un article entier à un certain Sarkis. Il s’agirait d’un artiste. Pour nous en persuader en nous procurant une authentique émotion esthétique, le journaliste nous a offert la photographie d’un chef d’œuvre du quidam en question. On y voit une vaste salle nue éclairée par des néons et jonchée de journaux plus ou moins froissés.

Si ce spectacle vous laisse froid, c’est que vous êtes idiot et/ou dépourvu de toute sensibilité artistique. Tel est le texte subliminal qui court entre les lignes de l’apologétique moderniste. Aussi bien êtes-vous sans excuse. Que n’avez-vous saisi la perche que vous tendait le plasticien ? Au lieu de regarder l’œuvre, vous auriez dû lire le titre. Tout était dans l’astuce qu’il recèle : « Le monde est-il lisible ? ». Mais bien sûr, criez-vous, où avais-je la tête ? Si le monde est lisible c’est qu’il est régi par le Logos, sinon c’est plutôt le Chaos qui l’emporte. La philosophie occidentale depuis vingt-cinq siècles n’a fait que broder sur ce thème. A la bonne heure, s’enthousiasme le critique ; vous voyez bien que l’art contemporain pense et qu’il s’adresse à une élite !

Céderez-vous au chant des sirènes et au passage de pommade ? Vous laisserez-vous coopter par l’élite autoproclamée de la finance, des ronds de cuir, et des plumitifs stipendiés ? Allez, un peu de courage et de bon sens! L’artiste doit, certes, penser mais avant tout sur l’art qu’il pratique. Où est l’art dans cette affaire ? Je ne vois que de vieux journaux. Répondez à la question posée par le titre comme elle le mérite : le monde vu à travers la cervelle embrumée de ce pauvre Sarkis est tout à fait illisible et à peine moins celui dans lequel écrit Philippe Dagen. Quant au fonctionnement du petit monde anartistique dont ce dernier est un pilier, il n’est que trop lisible pour qui ne s’en laisse pas conter.     

 

 

11/08/2009

Duchamp et Bernar Venet

On sait que Marcel Duchamp ne s’est jamais considéré comme un grand artiste et qu’il s’indignait de la récupération dont il fit l’objet de la part des modernistes. « Je leur ai jeté l’urinoir à la tête et voici qu’ils en admirent la beauté », disait-il. Pour lui, ses ready made étaient des provocations anti-artistiques. Rien d’étonnant si les objets en question furent jetés à la poubelle par sa femme et sa sœur lors d’un déménagement. Sortant de la première exposition du Pop Art, dans les années 60, il émit un jugement entièrement négatif sur cet « art » qui se réclamait pourtant de lui. Le Français Bernar Venet qui passe aux Etats-Unis pour l’un des fondateurs du conceptualisme (il s’est illustré en exposant un tas de charbon) fit en 1967 les frais de l’esprit sarcastique de son héros. Voici le récit qu’il a donné de leur rencontre. « J’avais 26 ans, et c’était un mythe vivant. Il est assis dans son fauteuil, à fumer son cigare. Je lui montre des photos des œuvres, il apprécie, et me demande pourquoi je fais ça. Quand je lui ai expliqué que j’avais exposé un enregistrement de la conférence d’un physicien, il me dit : ‘‘ Mais alors, vous vendez du vent ?’’. Sur le moment, je n’ai pas pris ça pour un compliment. Mais il sourit, prend un crayon, et écrit sur son journal : ‘‘ La vente du vent est l’event [événement en anglais] de Venet ’’. Je suis resté comme un con, et on a éclaté de rire » (entretien accordé au Monde du 7 août 2009). Apparemment, Venet n’a toujours pas compris, quarante ans après, l’humour moqueur de Duchamp. Celui-ci lui aurait-il demandé « pourquoi faites-vous ça » s’il avait apprécié ses « œuvres » ? Venet n’a même pas saisi ce que Duchamp tentait de lui faire entendre avec sa phrase riche en paronomases auxquelles s’ajoute un joli anagramme sur son nom. A notre époque, c’est en faisant événement qu’on gagne sa minute de célébrité. Peu importe les artifices auxquels on a recours et même s’ils reviennent à « vendre du vent ».