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15/03/2009

Badiou et l'avant-garde

Badiou, auteur du Siècle, ne fait pas de difficultés pour re­connaître que dans ce qui nous fut proposé par les avant-gardes 1'« œuvre » est presque rien et se réduit au geste légitimé (« protégé», dit-il) par un quelconque bla-bla pseudothéorique. Badiou tient ce genre de littérature lyricopata­physique pour nécessaire alors que pour Baudrillard, plus clairvoyant, l'amphigouri était là pour masquer la « nullité» et pour intimider le bon peuple[1]. On doit quand même se féliciter de voir Badiou tenir l'iconoclastie en art pour analogue au fascisme en politique et à l'obscurantisme en science[2]. Voilà qui n'a pas dû plaire à certains de ses amis



[1] Cf.  Jacques Baudrillard : « Le complot de l'art »; Libération 20 mai 1996 et Entrevues à propos du « complot de l’art », Sens & Tonga 1997.

[2] Cf.  Logiques des mondes, op. cit. p 87.

09/03/2009

Art du néant ou néant d'art?

Quelques uns parmi mes lecteurs ont trouvé que mon livre Pour l’Art. Eclipse et renouveau état dur à l’égard de l’art contemporain que je qualifie de non-art. Le Centre Pompidou vient de me donner solennellement raison en programmant  une « manifestation exceptionnelle » intitulée « Vides ». On y expose non pas de l’art mais son absence, donc, au sens strict, du non-art. Il s’agirait d’une « rétrospective des expositions vides depuis celle d’Yves Klein en 1958 ». Il y en eut en effet beaucoup, l’originalité n’étant pas, quoi qu’ils disent, le fort des soi-disant « artistes contemporains ». L’une de ces expositions fut organisée en 1990 à la galerie Lorence-Monk par Laurie Parson qui entendait annoncer ainsi son renoncement à toute pratique artistique. Les commissaires ont jugé que ce renoncement méritait d’être exposé faute de quoi il y aurait un vide dans « Vides ». J’ai parlé des commissaires, car il y en a six. Moins nombreux ils ne seraient pas venu à bout de remplir tant de salles avec rien. Le bruit court que l’ambiance sonore est signée John Cage célèbre pour un concerto du silence. Les écrivains qui prennent au sérieux ce genre de facéties (j’en connais au moins une) devraient exprimer leur soutien en publiant désormais des livres dont les pages seraient blanches. On pourrait au moins en faire des albums.        

06/03/2009

UBS et le non-art

Le snobisme qui motive l’attitude de certains petits et même grands intellectuels à l’égard du prétendu « art contemporain », intervient aussi, sous une forme cette fois collective, dans la constitution de collections par des entreprises soucieuses de se donner une image avantageuse. Nous vivons à une époque sans idéal parce que l’argent est devenu la valeur suprême. Or tout se passe comme si le refus de l’héritage et de la tradition au profit d’une modernité qui serait synonyme de progrès servait d’idéal de substitution. Certaines institutions financières s’imaginent ainsi qu’elles doivent soutenir l’art contemporain. N’est-il pas à la pointe de la modernité ? C’était le cas d’UBS (Union des banques suisses) dont la collection, déjà importante, s’était encore enrichie depuis sa fusion en 2004 avec Paine Webber dont le directeur Donald B. Marron siégeait au Conseil du M.O.M.A (Musée d’art moderne de New York). Rien d’étonnant à ce qu’UBS ait conclu un étroit partenariat avec la foire internationale d’art contemporain de Bâle. Les responsables de cette banque d’affaires espéraient de cet engagement ce qu’on appelle un « retour sur image ». L’un d’eux déclarait par exemple : « Ces œuvres symbolisent la créativité et l’inspiration, deux éléments fondateurs dans la réussite de notre société »[1]. Imaginez qu’un de leurs employés estime avec bon sens que les choses diverses et variées rassemblées par l’UBS ne sont pas de l’art et le dise publiquement. Ses supérieurs le tiendraient pour un ennemi « de la créativité et de l’inspiration » ou tout au moins pour un sujet déloyal.

En raisonnant comme les dirigeants d’UBS, que penser aujourd’hui alors que la crise a déchiré le voile et montré ce qui se passait derrière ce théâtre d’ombres ? N’a-t-on pas appris qu’UBS a perdu 5,4 milliards d’euros au dernier trimestre 2008 et qu’en même temps ses clients lui ont retiré la gestion de 40 milliards d’euros ? Qu’elle refusait, malgré les sommations des instances officielles, de dédommager ses clients victimes (à cause de ses « manquements ») de la pyramide Madoff ? Qu’elle aidait ses clients américains à frauder le fisc ? Nous devrions en conclure que les œuvres anartistiques de sa collection symbolisent des procédés d’escrocs et de margoulins qui ont été la source de ses profits d’hier comme de sa déconfiture d’aujourd’hui. L’effondrement du marché de l’art intervenu en novembre 2008 met encore mieux en exergue ce parallélisme. A présent la collection d’UBS ne vaut pas plus que la réputation de créativité et d’inspiration de ses dirigeants. 

 

Voir mon site: http://www.kostasmavrakis.fr    



[1] Cité par Karine Lisbonne et Bernard Zürcher : L’art avec pertes ou profit ?,  Flammarion 2007, p 99.

09/02/2009

Koons à Versailles

Je ne suis pas lecteur du Canard enchaîné mais peut-être ai-je tort. L’amie Christine Sourgins m’a envoyé une coupure de ce journal en date du 24 septembre 2008 dans laquelle on en apprend de belles. Sous le titre : « Arrête de faire le Koons ! » il est écrit que Monsieur Denis Verdier-Magneau, directeur du « développement culturel » du château de Versailles, a mis en garde les guides et interprètes professionnels contre toute critique de l’exposition Jeff Koons. Dans sa missive comminatoire, le bureaucrate précise que « si nous venions à constater que les propos des personnes habilitées à exercer un droit de parole […] étaient irrespectueux à l’égard des choix culturels de l’EPV (Etablissement public de Versailles) nous nous verrions dans l’obligation de leur restreindre l’accès à l’EPV du musée et du domaine national ». Ce qui priverait automatiquement lesdites personnes de leur gagne pain. Le Canard conclut par ces mots : « Et ceux qui persistent à se gausser du nouvel art officiel, au goulag ! »

Croire que nous vivons en démocratie est une erreur en effet puisque dans un établissement public certains sont habilités à exercer un droit de parole et d'autres non. Pour que nul ne s’y trompe, l’administration de l’EPV a supprimé le livre d’or sur lequel il aurait été loisible aux visiteurs d’exprimer leur avis sur l’exposition Koons. Ces derniers aussi sont fermement invités à se taire. Surtout ne pas contrarier le milliardaire Pinault (grand collectionneur de Koons devant l’Eternel) dont la commissaire de l'exposition avait été la salariée. Un peu de respect, que diable! comme dit M. Verdier-Magneau.

 

Pour plus de détails sur ce dernier point lire la note sur "Les palinodies de Philippe Dagen" du 5 janvier 2009. J'ai publié dans Monde et Vie n° 799  du 30 septembre 2008 un article intitulé "L'anti-art à Versailles. Les raisons inavouables". On peut le lire sur mon site http://www.kostasmavrakis.fr