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05/01/2009

Pourquoi le non-art?

Pour ceux à qui la peinture et la sculpture au sens habituel procurent une émotion esthétique dont ils ont besoin, le fait que les médias, les pouvoirs, l’enseignement, les musées, imposent froidement ce qu’ils appellent « art contemporain » comme étant l’art tout court paraît à première vue étrange et mystérieux. Cette volonté de régression barbare (des modernistes !) enlève aux amateurs l’accès au véritable art contemporain en privant de toute visibilité les créateurs héroïques qui continuent à travailler. Notre époque se proclame libérale. Politiciens et journalistes n’ont que les droits de l’homme à la bouche. Pourtant le droit le plus vital, le droit au Beau sans lequel la vie ne vaut pas d’être vécue nous est dénié.

Dans mon livre Pour l’Art. Eclipse et renouveau, je pose, au chapitre V, la question « Pourquoi le non-art ? ». Ma réponse fait intervenir plusieurs facteurs tels que :

-          l’inaptitude de la bourgeoisie à inspirer un grand art signifiant, le lien social sous le capitalisme étant  uniquement médiatisé par le marché en l’absence de toute référence à des valeurs positives philosophiquement étayées ;

-          l’intérêt qu’ont les classes dominantes à abolir l’art pour empêcher qu’il ne propose une autre vision du monde que le relativisme et le nihilisme;

-          l’emprise du grand capital mondialisé sur l’Etat et les médias ;

-          l’attrait du jeu spéculatif pour les magnats de la haute finance ;

-          le rôle du snobisme ;

-          les différences dans les modalités de réception, d’homologation et de consécration propres à chaque art d’où vient que les dégâts de l’avant-gardisme ont été graves en peinture mais négligeables dans le roman, le théâtre et le cinéma.

Plusieurs livres parus récemment me semblent conforter cette analyse et fournir des éléments qui permettent d’en préciser ou d’en approfondir certains points.  Je pense notamment aux ouvrages de Jean-Claude Michéa : L’Empire du moindre mal, Climats 2007, La double pensée, Flammarion 2008 pour ce qui concerne la critique de l’idéologie libérale et de l’aliénation par la société du spectacle et la publicité, ainsi qu’à l’Histoire du snobisme de Frédéric Rouvillois, Flammarion 2008. Mes prochaines notes leur seront consacrées.

 

14/12/2008

Un exemple d’anti-art

Il y a quelque temps (le 23 septembre 2008 plus précisément) Le Monde a consacré six colonnes à une grande célébrité que vous connaissez tous, j’ai nommé … Jacques Villéglé ! Euh, quoi ? Vous n’êtes pas au courant ? Il s’agit pourtant d’un « artiste » dont les « œuvres » « réalistes » (trois mots utilisés par Le Monde) sont exposées au Centre Pompidou. Elles consistent en affiches déchirées. Vous me direz : n’importe quel voyou peut en faire autant mais vous auriez tort car cette question, qui semble couler de source, personne ne se la pose dans les hautes sphères de l’oligarchie qui nous gouverne. Or ces messieurs sont des experts patentés alors que vous ne l’êtes pas, ce qui vous oblige à la fermer. Ce Villéglé s’est fait connaître par le procédé susdit au milieu des années cinquante. Interrogé par Philippe Dagen, il déclare que lui et ses camarades lacérateurs s’étaient placés dans l’esprit des avant-gardes du début du siècle « mais en s’en différenciant par un nouveau comportement, celui qui se voit aussi bien dans les machines de Tinguely que dans les monochromes d’Yves Klein : ne plus faire de peinture ». En réalité Villeglé n’a jamais fait de la peinture, ce qui l’empêche de cesser d’en faire. Il est devenu « artiste » non par une pratique artistique mais, comme il le dit, par un comportement. Ce raccourci vers la célébrité lui avait paru le plus rapide et le moins fatigant. Notons que Tinguely, auquel notre créateur à la-va-vite se compare, a, dans un accès de franchise inhabituel, reconnu qu’il était un charlatan.       

10/12/2008

Le travail artistique

Sous le titre « On croit rêver, draguer devient un ‘‘travail’’ ! » Philippe Tesson s’indigne dans Le Mondedaté du 6 décembre 2008 de ce que la Cour d’appel de Paris a fait de la participation à une émission de télé-réalité un « travail ». Les juges avaient pourtant refusé d’accorder aux plaignants le statut d’artistes interprètes qu’ils revendiquaient. Même pas comédiens, que seraient-ils ? « Assumer la liberté de ne rien faire, jouer à se montrer, exposer au monde son insignifiance, son oisiveté, sa médiocrité, est-ce du travail ? » et ne dévalorise-t-on pas cette notion en le prétendant ? Philippe Tesson a mis le doigt sur la manifestation d’un phénomène plus répandu qu’il ne le croit. L’erreur qu’il dénonce procède d’une « logique » qui a triomphé dans un autre domaine du visuel : les arts plastiques. Accumuler un tas de charbon, déverser un tombereau d’ordures, exposer des excréments recouvrant une image de la sainte vierge est qualifié de travail par des charlatans et les séides du pouvoir, les fameux « inspecteurs de la création » du ministère de la culture. Buren se réfère à ses rayures en usant de ce mot, qui s’applique à tous les objets du non-art contemporain tels les rayonnages garnis de marchandises diverses par Beuys ou Damien Hirst, les veaux entiers ou coupés en deux et plongés dans du formol de ce dernier, etc. Quelque fois il s’agit d’ailleurs bel et bien de travail comme celui du genre happening accompli dans de nombreux pays par un « artiste contemporain » subventionné par l’Etat français et consistant à balayer un espace public. Bref tout est travail comme tout est de l’art, ce qui revient à dire que rien ne l’est.

Il est clair qu’on ne peut continuer à utiliser les mots n’importe comment et qu’une sérieuse « rectification des dénominations » confucéenne s’impose si l’on veut soigner notre civilisation bien malade.    

Le travail proprement dit est le paradigme et la métaphore de toute « pratique transformatrice ». Comme les pratiques le sont toujours, l’expression est pléonastique. Pour savoir si une activité est un travail il suffit de s’interroger sur ce qu’elle transforme, avec quels moyens et en vue de quel résultat. En simplifiant, on dira que la création artistique transforme les formes et produit des beautés nouvelles. Ici « beautés » appartient au même champ lexical que la notion de style et doit être entendu au sens du mot « vérités » chez Alain Badiou. Cependant toutes les œuvres artistiques, seraient-elles marquantes, ne créent pas un style nouveau. Elles sont pourtant le produit d’un travail comme l’indique le mot grec ergon (œuvre). La plupart du temps, le peintre réalise seulement un spectacle nouveau en interprétant et en combinant des motifs fournis par son expérience visuelle orientée. Par exemple, le dessin d’après le modèle dont la pose et l’éclairage ont été choisis par l’artiste est déjà une « invention » au sens que ce mot avait au seizième et au dix-septième siècle. Cette pratique ne transforme pas seulement les matériaux, elle transforme aussi l’agent dont elle affine la sensibilité et accroit la virtuosité lui permettant de créer des œuvres combinant plusieurs de ces figures et d’autres motifs en un ensemble esthétiquement satisfaisant (beau). L’activité qui conduit à ce résultat mérite alors d’être qualifiée de travail. Certes, le balayeur mentionné plus haut transforme les surfaces sur lesquelles il exerce ses talents : elles sont de plus en plus propres. Mais il faut être un « inspecteur de la création » du ministère de la culture pour y voir un travail artistique.

07/12/2008

Le snobisme des philistins (une maxime)

Comme, par définition, le philistin ne peut distinguer en art le grand du petit et insignifiant, il est plus sûr pour lui d’adresser son hommage au non-art ce qui lui vaudra les bénéfices symboliques les plus gratifiants car il passera pour un esprit ouvert aux innovations et aux audaces transgressives.