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14/12/2009

Ecoutons Maurice Allais

Si nous voulons sauver à la fois la planète et notre économie, donc nos emplois, exigeons de nos représentants l'imposition aux frontières de l'Europe d'une taxe sur les marchandises venant de Chine ou de l'Inde pour compenser deux facteurs de concurrence déloyale : 1° le bas niveau des salaires dans ces pays; 2° l'absence ou l'insuffisence des politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette mesure sera sans doute dénoncée comme protectionniste par les tenants de la "pensée unique" mais elle peut s'appuyer sur une autorité aussi éminente que Maurice Allais prix Nobel d'économie.  

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16/11/2009

Alain Badiou contre les identités

Alain Badiou dont l'audience en tant que gourou fut longtemps confidentielle, devint soudain célèbre avec un pamphlet ou plutôt un libelle contre Sarkozy qu'il nomme "l'homme aux rats" imitant les invectives zoologiques qu'affectionnait le procureur de Staline Vichinsky (1). Ainsi ces dernières années a-t-il trop souvent troqué l'estrade du maître à penser contre la tribune du démagogue, voire les trétaux du bateleur du haut desquels il lance au nom de Lénine, de Staline ou de Mao Tsé-toung des attaques contre tout ce qui n'est pas immigré clandestin. Il est vrai que depuis Jean-Paul Sartre certains philosophes se drapent volontiers dans le manteau du radicalisme révolutionnaire tout comme ceux du bas empire s'affublaient du "tribon" cynique (2). Aujourd'hui, cependant, les enjeux sont autrement plus graves. Badiou s'en prend à l'Occident [qui] voudrait interdire l'apparition [...] de ce qui lui fait réellement peur: un pôle de puissance hétérogène à sa domination, un "Etat voyou" comme dit Bush, qui aurait les moyens de se mesurer aux actuelles ''démocraties''", surtout si se réalise "l'alliance à venir des Etats voyous de l'extérieur e des voyous de l'intérieur". La pensée de la future chute de l'empire américain grâce à la conjonction des deux prolétariats extérieur et intérieur dont il emprunte l'idée à Toynbee fait saliver Badiou (3). Faut-il comprendre qu'il appelle de ses voeux un conflit dans lequel l'Occident, c'est-à-dire les pays de civilisation européenne de part et d'autre de l'Atlantique succomberait à la violence de ce "pôle de puissance" (l'Iran nucléarisé?) et de sa cinquième colonne à savoir les musulmans immigrés? La haine que voue Badiou à l'Occident est telle qu'en l'exhalant il ne peut s'empêcher de donner inconsciemment des arguments inespérés aux xénophobes. Dans son pamphlet déjà cité il surenchérit de racisme involontaire. "Les ouvriers de provenance étrangères, dit-il, doivent être [...] honorés en tant que tels". Dans ses phantasmes, il les voit "s'organiser comme puissance politique populaire afin que tout un chacun, fût-ce sous l'effet d'une crainte salutaire de leur force, les considère comme l'honneur de ce pays". Vous avez bien lu: le peuple de France devrait être contraint par la terreur à honorer les immigrés illégaux fraîchement débarqués qui sont, comme dit le mot d'ordre de Badiou, "d'ici puisqu'ils sont ici". 

Son amour éperdu pour tout ce qui n'est pas français lui inspire des accents d'un lyrisme quasi-raciste. Je cite: "La masse des ouvriers étrangers et de leurs enfants témoignent dans nos vieux pays fatigués, de la jeunesse du monde, [qu'ils] nous apprennent à devenir étrangers à nous-mêmes, [...] assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s'achève, et dont nous n'avons plus rien à attendre que la stérilité et la guerre" (4). Les immigrés, eux, savent ce qu'ils font quand ils affluent, souvent au péril de leur vie, dans de "vieux pays fatigués" au lieu de rester dans de jeunes pays dynamiques, où règne, comme chacun sait, la paix et la créativité.

Pour Badiou, les différences entre groupes humains n'ont d'importance que lorsqu'il s'agit de dévaluer les pays de vieille civilisation, les occidentaux et les blancs. Dans tous les autres cas, elles "n'ont aucun intérêt pour la pensée". La multiplicité de l'espèce humaine, dit-il, "est tout aussi flagrante entre moi et mon cousin de Lyon qu'entre la ''communauté'' chiite d'Irak et les gras cow-boys du Texas" (5). Ainsi la langue, la religion, une histoire multiséculaire, les traditions, les coutumes, la culture (au sens français du mot), voire éventuellement le type physique ou la couleur sur lesquels insiste lourdement notre philosophe, tout cela qui forme une identité serait nul et non avenu. Pourtant un groupe (une nation par exemple) y tient par dessus tout et en outre c'est dans cette particularité que s'enracine la valeur universelle de sa contribution au patrimoine spirituel de l'humanité. Mais pour Badiou au lieu d'attacher de l'importance à "la prédication éthique sur "l'autre" et sa "reconnaissance", on doit plutôt s'interroger sur la prise en considération de ce qui fait que tous les hommes sont les mêmes. Or cet "autre" veut obstinément rester tel. Beaucoup d'immigrés refusent de s'assimiler, beaucoup de Français refusent de ressembler à des immigrés. Badiou confond le brouet insipide d'un cosmopolitisme stérile, dans lequel se diluent toutes les cultures, avec l'idéal moral de l'universalisme. Seuls les demi-savants opposent celui-ci au sentiment de l'identité nationale entendue comme il convient. 

 

(1) Les accusés des procès de Moscou étaient selon Vichinsky "des rats visqueux et des vipères lubriques"

(2) Tribon, vêtement grossier qu'affectaient de porter les philosophes cyniques.

(3) Selon Toynbee l'empire romain s'est effrité sous les coups d'un prolétariat intérieur (les esclaves et les pauvres) et d'un prolétariat extérieur (les barbares).

(4) Toutes les citations qui précèdent sont tirées de la brochure de Badiou De quoi Sarkozy est-il le nom?

(5) Cette citation et celles qui suivent proviennent du livre de Badiou L'Ethique.

 

Le contenu de la note ci-dessus est développé dans deux passages des chapitres I et VIII de mon livre sur Badiou; voir note précédente.

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11/10/2009

Les frasques de Frédéric Mitterrand et la liberté d'expression

Le problème que soulève l'affaire Mitterrand est en apparence de société mais en réalité politique et fort symptomatique à cet égard. Personne ne reproche à ce monsieur d’être homosexuel et d’ailleurs nul ne s’en soucie. Qu’il livre au public des récits décrivant des pratiques que la morale réprouve, telles que le tourisme sexuel, ne devrait pas non plus inciter quiconque à se gendarmer car rien d’humain n’est étranger à la littérature comme le savaient Ménandre et son imitateur Térence. Mais qu’il ajoute l’exhibitionnisme à la pédérastie et confie à tout un chacun le détail de ses turpitudes à la première personne du singulier justifie des interrogations sérieuses sur l’opportunité de maintenir à un poste ministériel une personne à ce point dépourvue de respect humain. Nous avons, en effet, appris à cette occasion que monsieur Mitterrand a une femme, des enfants et  sans doute aussi des amis. A-t-il pensé à eux en se déculottant de la sorte sans aucune nécessité ? Sont-ils, sommes-nous, ses confesseurs et serions-nous chargés de lui infliger par notre réprobation muette la pénitence que son sentiment de culpabilité désire comme expiation ? Mitterrand ne souffre en effet qu’une réprobation muette. Il l’a bien fait sentir à Laurence Ferrari.

Ne vous y méprenez pas. Il y a plus dans cet épisode de notre vie publique que des enjeux moraux, encore que ceux-ci ne soient pas indifférents. Un pays européen, la Suède, fait du recours au sexe tarifé un délit. Cela suffit pour empêcher de considérer les mœurs de ce triste sire comme anodines. Il est naturel que des personnalités politiques s’en émeuvent. La question qui se pose est pourquoi ils le font maintenant. Le livre est paru en 2005 et s’est vendu à 200.000 exemplaires. Pour que le scandale éclate, il a fallu que Marine Le Pen le lise et s’en empare (en mélangeant tout). Elle fut vite rejointe, une fois n’est pas coutume, par des élus socialistes, inquiets de voir un nom qui leur est cher traîné dans la boue de Bangkok par celui qui en a tant profité pour devenir directeur de la Villa Médicis puis ministre. Comment se fait-il que depuis plus de quatre ans personne n’ait relevé le contenu scabreux, voire choquant de son livre ? Ne tournons pas autour du pot. Le politiquement correct dominant interdit de mettre en cause un adepte des « amitiés particulières ». Les journalistes des grands médias et les politiciens (nos porte-parole) se sont tus (ils nous ont donc imposé silence), ils se sont autocensurés, ils n’ont pas osé moufeter cédant à la terreur. La preuve en est qu’aussitôt le tabou violé, tout le monde s’est engouffré dans la brèche. Voilà où nous en sommes à l’époque des droits de l’homme et de la liberté d’expression.

 

 

 

Voir mon site http://www.kostasmavrakis.fr

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17/09/2009

L'avenir est plus ouvert qu'on ne le croit

Admettons l’hypothèse qu’une action politique légitime ne saurait, par définition, être cynique et rechercher le pouvoir pour le pouvoir. Elle doit donc s’appuyer sur des principes et servir des intérêts qui dépassent l’individu ou le groupe par trop restreint. L’aspiration au vrai, donc à l’universel, oriente vers une « morale ouverte » au sens de Bergson. Pourtant, plus on s’écarte de la particularité (qui offre l’avantage d’être mieux connue) moins on est à l’abri d’effets pervers qui conduisent à l’opposé du but poursuivi. Le destin du marxisme est un exemple frappant du glissement vers l’abîme à partir des meilleures intentions. Cette doctrine était au fond une religion de l’humanité quoique moins explicite que celle d’Auguste Comte ou de son avatar contemporain « l’homme-dieu » chez Luc Ferry. Voyons comment s’est effectué cet enchaînement fatal.

Aucune politique ne peut se passer complètement de moyens violents. Les fins qui la justifient au coup pour coup ont elles-mêmes besoin d’être justifiées par des fins supérieures. Quel est alors le fondement des fins ultimes ? Le croyant dira Dieu. Le marxiste invoquera les exigences de la lutte des classes. Mais pourquoi face à celle-ci a-t-on le devoir de prendre parti pour le prolétariat ? Parce qu’il est la classe universelle qui n’a pas d’intérêts particuliers à défendre (il ne possède rien) et dont le combat tend objectivement vers le communisme, une société sans exploitation de l’homme par l’homme, sans Etat ni rapport de domination, qui réalise la réconciliation de l’humanité avec elle-même et ignore tout conflit, tout antagonisme. On y observerait l’égalité la plus parfaite selon le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Il s’y instaurerait des rapports fraternels entre tous ce qui en ferait une sorte de Paradis : « les lendemains qui chantent » selon le mot d’un journaliste du P. C. F. Ainsi à la place de la transcendance de Dieu, le marxisme met la transcendance de l’humanité dont le prolétariat, en tant que classe universelle, est la préfiguration. En luttant pour faire advenir cette société idéale, l’homme est censé se transformer, ce qui serait à la fois l’effet de la pratique révolutionnaire et la condition de son aboutissement car la société nouvelle suppose un homme nouveau. Or la nature humaine n’est susceptible que de changements de faible amplitude. Refusant d’admettre que pour cette raison le projet communiste était voué à l’échec, ses partisans attribuèrent celui-ci à la trahison qu’il faudrait réprimer sans laisser échapper aucun suspect. L’aspiration à la liberté et à l’égalité déboucha ainsi sur la terreur et le goulag.

On le voit, les recherches d’un substitut « humaniste » de religion se sont révélées des impasses. Ce savoir nous a coûté trop cher pour en faire fi. La vigilance à cet égard s’impose d’autant plus que nous sommes à la veille de grands bouleversements. Pour les traverser, voire en tirer parti, nous aurons besoin de garde-fous. Devrons-nous les demander à la religion ? Laissons pour le moment entre parenthèse cette interrogation théologique. Il est plus urgent de justifier l’idée que je viens de sous-entendre à savoir que nous vivons à une époque charnière : celle de la fin du capitalisme.

Deux raisons peuvent être invoquées en faveur de cette prédiction. J’ai déjà touché un mot de la première dans ce blog (le 8 août 2009) et je l’expose plus en détail dans le dernier chapitre de mon livre à paraître début octobre De quoi Badiou est-il le nom ? Pour en finir avec le XXe siècle. En gros, elle revient à dire que le capitalisme est structurellement fondé sur la reproduction élargie et une expansion sans mesure. Celle-ci rencontrant aujourd’hui ses limites (puisque la terre est finie) nous passerons tôt ou tard à un mode de production et de consommation qui relèvera comme aux temps précapitalistes de la reproduction simple (sans croissance), phénomène analogue à la transition démographique et tout aussi nécessaire. Immanuel Wallerstein pense lui aussi que « le capitalisme touche à sa fin » et avance un autre argument qui se rattache sans difficulté au mien. Le capitalisme, dit-il, se nourrit du différentiel de richesse entre un centre […] et des périphéries (pas forcément géographiques) de plus en plus appauvries. A cet égard, le rattrapage économique de l’Asie de l’Est, de l’Inde, de l’Amérique latine, constitue un défi insurmontable pour ‘‘l’économie-monde’’ créée par l’Occident qui ne parvient plus à contrôler les coûts d’accumulation » (Le Monde 12-13 oct. 2008).

Il est permis de voir dans les mutations qui s’annoncent une excellente nouvelle. Le marché capitaliste et la technoscience qu’il domine sont responsables non seulement de la destruction de la biosphère mais aussi du recul de la spiritualité, de la corruption des mœurs, du déclin de l’art et de la civilisation. Ces processus déplorables seront inversés quand les causes dont ils dépendent auront disparu. Les agents directs de ces transformations seront les ennemis de l’ordre actuel. Ils sont nombreux et comprennent notamment les non-privilégiés en général, ceux qui sont attachés aux valeurs éternelles, les amoureux brimés de l’art. Je terminerai avec une citation d’un auteur athée qui retrouve l’esprit du Magnificat de la sainte Vierge : « Il a renversé les puissants de leur trône pour élever les petits ». Voici cette citation qui figure dans une méditation sur la naissance obscure du christianisme : « Toutes les puissances de la terre grandissent dans l’opprobre. Que les dominateurs regardent à leurs pieds, qu’ils cherchent parmi les peuples qu’ils oppriment et les doctrines qu’ils méprisent : c’est de là que sortira la force qui doit les abattre » (Anatole France : Sur la pierre blanche).

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