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18/12/2011

Avec Oskar Freysinger (suite)

 

"Serf ce peuple bâtissait des cathédrales, émancipé il ne construit que des horreurs"

Cioran

(Je remercie Jean Robin pour cette citation) 

 

Freysinger défend la conception romantico-anarchiste selon laquelle l’art est antinomique au pouvoir sauf l’art baroque qui serait à l’origine de tous les maux. Si je m’étais permis de l’interrompre, j’aurais pris la défense du baroque et notamment du Caravage, du Bernin, de Borromini et, en ce qui concerne sa thèse générale, j’aurais attiré son attention sur la multitude de contre-exemples prouvant que l’art est généralement au service des puissants même si l'on peut y reconnaître parfois une secrète connivence avec les courants souterrains qui manifestent les aspirations populaires.

Freysinger : Certaines œuvres d’art ont une vocation universelle.

K. M. C’est vrai car le pouvoir de toucher universellement est une caractéristique des grandes œuvres d’art. Elles ont ce pouvoir dans la mesure où elles expriment avec une intensité maximale les particularités individuelles, ethniques, civilisationnelles. En parlant de lui-même, le grand artiste parle de tous et s’adresse à tous car il partage avec ses congénères une même nature humaine. C’est ce qui explique que l’on puisse goûter les œuvres produites par des hommes appartenant à des cultures très éloignées de la nôtre. Encore faut-il qu’il s’agisse d’œuvres d’art susceptibles d’êtres distinguées comme telles. Nous avons donc une universalité chargée de sens à l’opposé de celle que revendiquent les objets appartenant au non-art contemporain, indiscernables d’un objet quelconque.

Jean Robin : Quelle solution ? Un retour en arrière ? Une prise en compte de ce qui s’est passé pour construire quelque chose de nouveau ?

K. M. Ce qui est en cause, c’est la vision qu’on a de l’histoire. Selon moi, celle-ci n’obéit pas à une tendance à se mouvoir vers je ne sais quel « avant ». Elle ne réalise pas inéluctablement le « progrès » comme le pensaient Kant, Hegel, Marx et, plus près de nous, Kojève-Fukuyama. Dans le devenir historique, il n’y a aucune fatalité. Quand l’URSS, créée par Lénine et Staline, s’est effondrée, nous n’avons eu ni un « retour en arrière » ni un progrès mais un vague mélange des deux,  incompatible avec la conception progressiste et irréversible de l’histoire.   

Il s’agit donc de savoir non pas comment nous adapter à ce qui arrivera nécessairement (le fameux « sens de l’histoire ») mais comment trouver les voies et les moyens de changer le monde dans un sens souhaitable qui, selon moi, doit aller vers la civilisation et non vers la barbarie. Dans cette recherche, nous n’avons aucune garantie de succès. Même le matérialiste et déterministe Lénine savait que nous étions au début du XXe siècle à la croisée des chemins. Il disait contre Rosa Luxembourg que l’humanité était placée devant le choix : « Socialisme ou Barbarie ». Nous savons que c’est le deuxième terme de l’alternative qui l’a emporté. Ne parlons pas du goulag, des camps d’extermination allemands, des deux guerres mondiales. Considérons seulement ce dont nous discutons, l’art. Dans ce domaine, l’Occident, encore dominant, exporte depuis un siècle sa barbarie alors qu’au XIXe siècle il exportait sa civilisation comme l’atteste le palais du roi de Thaïlande. Aujourd’hui les tours, les barres et les blocs informes ou extravagants (penchés et tout de travers) se voient partout au mépris du climat et des traditions locales. Il s’agit avant tout de faire « moderne » sans craindre ni l’horreur ni le ridicule.

Bref la question qui se pose est : comment faire pour que la création artistique et le Beau aient à nouveau droit de cité au lieu d’être de facto interdits ?

Jean Robin : …et soient financés …

K. M. Il faut qu’il le soient. Il y a toujours quelqu’un qui finance. Chez les Grecs, c’était la cité ce qui parfois soulevait des vagues. Il y eut ainsi des Athéniens qui trouvaient que le programme de Périclès coûtait trop cher. Alors ce grand homme répondit : si vous ne voulez pas payer, je le ferai moi-même de mes propres deniers mais sur le Parthénon et sous la statue chriséléphantine  sera gravée l’inscription « Ex Voto de Périclès ». Les protestations furent alors unanimes et on n’en parla plus.

Jean Robin : c’est le grand capital qui paye pour la conservation du patrimoine alors que l’Etat ne finance que « l’art contemporain ».

K. M. Il est vrai que l’Etat ou les responsables politiques locaux (tel Estrosi à Nice) défigurent nos villes au nom du soutien à « l’art contemporain » en érigeant sur les places publiques des tas de ferraille. Mais globalement, ce sont les méga-collectionneurs privés (comme Pinault ou Arnault) qui achètent l’art contemporain et en imposent la promotion. L’Etat n’a pas les moyens d’acheter les « œuvres » les plus cotées. Ce dont il fait l’acquisition (à New York plutôt qu’à Paris) c’est du second choix. Il n’empêche que les prix déboursés avec l’argent du contribuable sont tellement exorbitants qu’on les tient secrets.

Freysinger : On est passé du mécénat désintéressé au sponsoring pour lequel il y a un « retour sur investissement ».

 

A suivre       

    

17/12/2011

Houellebecq et le Souverain Bien

Houellebecq est honoré, on lui décerne le prix Goncourt, on l'invite sur les plateaux de télévision, mais les médias ne l'aiment pas. Sans le dire, ils lui en veulent de laisser entendre que la partouze permanente, style DSK, ne rend pas heureux. Or la débauche est une branche extrémiste du consumérisme et celui-ci est un des piliers du capitalisme et de son reflet idéologique : le matérialisme. Le mot d'ordre de beaucoup d'économistes est : "consommez, la main invisible fera le reste. La consommation est ainsi érigée en Souverain Bien et le Marché en Providence. Tels sont les misérables substituts de la religion.  

12/12/2011

Débat sur l'art et la société avec Oskar Freysinger

A l’invitation de Jean Robin qui dirige les éditions Tatamis et anime l’excellent site Enquête et débat, j’eus le 3 décembre 2011 une discussion philosophique passionnante sur des questions relatives à l’art, la société, l’histoire avec le dirigeant politique suisse bien connu Oskar Freysinger dont je venais de lire le petit livre débordant d’humour et d’esprit en réponse à Stéphane Hessel (Antifa aus éditions Tatamis). En me rendant au rendez-vous, je pensais rencontrer pour une conversation  amicale l’homme que j’admirais pour avoir mis en rage l’oligarchie européenne et notamment Cohn Bendit, en donnant l’occasion au peuple suisse de mettre un terme par une « votation » à la multiplication des mosquées. Je ne savais pas que l’entretien serait filmé et enregistré ni quels seraient les sujets abordés. Sur ce dernier point d’ailleurs, mes interlocuteurs n’en savaient pas plus que moi. Nous avons même eu de la peine à cadrer le débat. Comme nous étions d’accord sur presque tout nous craignions qu’il se réduise à une causerie de bonne compagnie. Il s’avéra qu’il pouvait néanmoins être fort vif. Cependant improviser sur des problèmes aussi délicats et complexes est une entreprise semée d’embûches. Il m’a donc semblé utile de clarifier mes positions dans une version rédigée des propos que j’ai tenus. Pour avoir accès à la séance filmée cliquer sur google puis sur enquête & débat.

Ma prise de parti dans les conflits qui opposent les hommes aujourd’hui s’explique par mon engagement en faveur de la civilisation et de l’art. Les deux sont étroitement liés car l’art de  chaque civilisation en définit l’essence. Ce que les archéologues nomment la « civilisation matérielle » (les objets, les outils, les techniques, éventuellement la science), est dissociable du monde qui l’a produite. L’Europe a emprunté à la Chine la boussole, le papier,  l’imprimerie, sans pour autant s’enchinoiser. Alors que si elle en avait adopté l’architecture, la peinture, la musique, elle serait devenue un appendice périphérique de l’Empire du Milieu comme l’étaient autrefois le Vietnam et la Corée. L’Europe ne l’a pas fait parce qu’elle avait sa propre civilisation qui ne le cédait à aucune autre. Aujourd’hui les civilisations sont toutes bien mal en point à cause de l’affaiblissement de leurs fondements spirituels. Leur épanouissement suppose une religion, une hiérarchie de valeurs, une tradition. Tout cela étant battu en brèche, elles ne peuvent que dépérir. La cause est à rechercher dans l’ordre économique et social qui conserve notre patrimoine mais démolit notre héritage. Cette structure qui n’impose pas une fatalité conditionne cependant une tendance, un penchant des individus à se diriger dans un certain sens. On le voit bien dans le domaine de l’écologie. Des sociétés brillantes ont disparu parce qu’elles n’ont pu se résoudre à préserver leur environnement. Cette fois-ci la catastrophe affectera le globe entier. Les décideurs le savent mais  ne veulent pas le savoir. Le souci du court terme empêche de faire ce qu’il faut pour éviter l’issue qui s’annonce et plus on tarde, plus les mesures salutaires deviennent onéreuses et moins on est disposé à payer ce prix. La super-classe mondiale (que regroupe en France « Le Siècle » et  dont les représentants à l’échelle globale se réunissent à Bilderberg) est incitée par la poursuite de ses intérêts immédiats à détruire 1°à long terme la nature dont Dieu nous a confié la garde, 2° à court terme, toutes les identités culturelles. Celles-ci sont en effet perçues par les intérêts dont je parle comme susceptibles (à travers le patriotisme) de faire obstacle à la circulation sans règles ni entraves des capitaux (délocalisables et transférables), des hommes (s’installant où ils veulent sans demander la permission), des marchandises (qui font disparaître par le dumping  les productions du pays). Ce qu’ils veulent, c’est une mode identique en tout lieu, un nomadisme et un mélange universel. Leur mot d’ordre est « des jeans et des macdo partout ». Encore une raison pour les représentants du très grand capital financier de promouvoir ce que j’appelle le non-art et eux l’art contemporain. Celui-ci présente pour ces messieurs plusieurs avantages. N’ayant aucun contenu, il dispense d’un bagage culturel pour s’y repérer, ne créant pas de formes, il n’exige pas un goût éduqué pour être apprécié. N’étant pas tributaire d’une civilisation particulière, il semble n’exclure personne. Bref, tous peuvent s’y reconnaître et s’en servir comme signe de reconnaissance (entre riches). L’universalisme du marché mondial appelle un art universel a priori (indépendamment de ses qualités). Rien n’étant plus universel que le rien, cet art prétendu reflète le néant de signification logé au cœur de notre monde. Il est la marchandise absolue qui, dépourvue de valeur d’usage (elle ne procure aucun plaisir esthétique) et réduite à sa valeur d’échange, ne vaut que par son prix. Le non-art est un des moyens dont se sert le capitalisme mondial financiarisé pour imposer son idéologie : le relativisme nihiliste. Ce relativisme se manifeste par l’absence de critères. Comme disait Beuys, tout homme est un artiste et donc tout est, ou pourrait être, de l’art. Récemment c’était des hardes que faisait tomber une grue dans le Grand Palais. Cela donnait un amoncellement de chiffons mais pourrait être n’importe quoi d’autre, par exemple un tas de charbon comme celui que propose à notre admiration le musée d’art contemporain de Bordeaux.

A ce point Freysinger évoque Duchamp. Je lui réponds que cette figure emblématique du dadaïsme était un ennemi déclaré de l’art, c’est pourquoi il a protesté contre la récupération dont il avait fait l’objet. Il écrivit à un ami : « Je leur ai lancé à la tête l’urinoir comme une provocation anartistique et voilà qu’ils en louent la beauté ».

A suivre

13/05/2011

Le Monde et les "touristes" de Guantanamo

Depuis le 11 septembre 2001, Le Monde a manifesté dans des milliers d’articles un souci constant  de défendre les islamistes contre la tentation de l'amalgame. Ils ne sont pas tous des terroristes, nous assure ce journal, sans craindre d’enfoncer une porte ouverte. Qu’en revanche tous les terroristes de masse soient des islamistes ne semble pas préoccuper outre mesure ces publicistes pleins de bons sentiments. Lisez la grande enquête du 12 mai 2011 : « Guantanamo. La colère des détenus français ». Sans épiloguer sur cette épithète, retenons que pour les auteurs il s’agit d’innocentes victimes d’un acharnement injuste. Une lecture attentive de l’article conduit à une conclusion bien différente. Les deux personnages interviewés : Nizar Sassi et Khaled Ben Mustapha ont été faits prisonniers en Afghanistan. Qu'est-ce qui les avait amenés dans ce pays lointain et déshérité ? A cette question,  ils donnent comme tous les autres internés de la prison américaine à peu près la même réponse. Il voulait « tester la possibilité de vivre dans un pays appliquant la charia » dit l’un. Il faisait « un voyage de reconnaissance, curieux de ce pays vivant sous la charia, explique l’autre. En somme, c’était du tourisme motivé par la soif de dépaysement. Le premier cependant raconte une anecdote qui le trahit. « Lorsqu’il fuyait avec les autres Français devant l’avancée des anti-talibans en décembre 2001, un chef lui demanda de rester dans les montagnes de Tora Bora pour couvrir leurs arrières ». Il prétend avoir refusé. Etait-ce le hasard qui avait regroupé les Français (tous des « touristes ») ou un engagement commun ? Pourquoi fuyaient-ils l’Alliance du nord constituée de bons musulmans attachés à la charia ? Avaient-ils quelque chose à se reprocher ? Comment se fait-il qu’un chef Taliban trouve tout naturel de donner des consignes militaires à des voyageurs ? Apparemment, nos « innocents » reconnaissaient l’autorité de ce chef puisque deux d’entre eux lui ont obéi au prix de leur vie. Il est donc clair comme le jour qu’ils combattaient dans les rangs des Talibans, lesquels étaient étroitement liés à Ben Laden et complices de ses crimes de masse. A ce titre, nos deux lascars ne méritaient pas mieux que leur émir.   

Ils ont pourtant été remis à la France à condition qu’elle les garde sous les verrous. Cette précaution n’a rien d’excessif. Des dizaines de prisonniers libérés de Gandanamo se sont empressés de rejoindre des groupes terroristes pour continuer à verser le sang. Les Américains justifient leur mansuétude en disant que ce n’était que « menu fretin » mais les auteurs des attentats de Londres ou de Madrid étaient-ils de si gros poissons ?