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15/12/2009

Controverse sur Rancière

L'auteur d'un blog intitulé Random thoughts m'attaque violemment pour avoir critiqué un texte de Jacques Rancière où l'on pouvait lire ceci:

"pourquoi donc considérer que l'art en général est en crise si celui qui venait dans un musée voir de la peinture trouve à sa place des tas de vieux habits, des empilements de postes de télévision ou des porcs coupés en deux? Et si même on pouvait taxer [tout cela] de nullité [Rancière n'en est pas sür] pourquoi l'éclipse momentanée d'un art parmi d'autres serait-elle la catastrophe de l'art?"

A cela je répondais en ces termes. Ce qui s'exprime ainsi [...] c'est le mépris de la peinture [...] Puisque leur art et un parmi d'autres, qu'importe le génocide des peintres? De même puisque les Juifs étaient un peuple parmi d'autres en quoi le reste de l'humanité est-il atteint par leur disparition? Au dmeurant si tout le monde trouvait normal de voir dans un musée le genre d'objets qui ne dérangent pas Rancière l'éclipse de la peinture ne serait pas mompentanée mais définitive. Ce symptôme de barbarie a déjà eu des répercussions sur toute la gamme des créations artistiques. Certains - mais ce sont des poètes - l'ont pressenti : Yves Bonnefoy, par exemple, ou Peter Handke, pour qui "la perte de l'image est la plus douloureuse de pertes".

Mon allusion à la Shoah suscita l'indignation de l'auteur du blog cité. Je fus ainsi amené à lui adresser la réponse suivante.

Cher ami,

Eliminer la race des peintres en tant que tels n'est pas la même chose que les tuer. C'est entendu. Mais qui dit le contraire? Comparaison, parallélisme, analogie ne signifient pas identification. Les hyperboles ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Dois-je préciser que j'utilise le mot "race" à l'un des sens qu'il a toujours eu comme vous l'apprendra un bon dictionnaire? Mon but en recourant à la figure d rhétorique qui vous a tant choqué (à tort) était de secouer le lecteur. Apparemment j'y suis parvenu. On peut alors passer aux chose sérieuses comme de porter un jugement correct sur le non-art et les thèses de Rancière le concernant. Thèses contre lesquelles je mobilise bien d'autres arguments et ce, non pas dans un article, comme vous le dites mais dans mon dernier livre: De quoi Badiou est-il le nom? Pour en finir avec le (XXe) Siècle.

Ma flèche du Parthe pour vous montrer à quel point vous avez eu tort de vous scandaliser je la dois à Roland Barthes. Dans le manuscrit de son cours sur La préparation du roman ce grand théoricien, allarmé par "la menace de dépérissement ou d'extinction" qui pèse sur la littérature y voit "une sorte de génocide spirituel". A l'avenir vous adresserez vos repproches acerbes au maître de la "nouvelle critique".  

 

 

17:38 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (3)

14/12/2009

Ecoutons Maurice Allais

Si nous voulons sauver à la fois la planète et notre économie, donc nos emplois, exigeons de nos représentants l'imposition aux frontières de l'Europe d'une taxe sur les marchandises venant de Chine ou de l'Inde pour compenser deux facteurs de concurrence déloyale : 1° le bas niveau des salaires dans ces pays; 2° l'absence ou l'insuffisence des politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette mesure sera sans doute dénoncée comme protectionniste par les tenants de la "pensée unique" mais elle peut s'appuyer sur une autorité aussi éminente que Maurice Allais prix Nobel d'économie.  

11:05 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

12/12/2009

Dan Brown suite

Dan Brown fait étalage, ai-je dit, d'une érudition qui se laisse souvent prendre en défaut. En voici quelques exemples.

A la page 97 de l'édition anglaise, le héros (toujours cuistre) fait la leçon à un policier au sujet de nos chiffres qui seraient « arabes ». L'auteur ignorerait-il qu'ils sont en fait une invention indienne ?

D. B. croit savoir (p 223) que le mot Andros signifie « guerrier » en grec alors que c'est le génitif d'aner signifiant homme (mâle). Il prétend aussi que Dareios veut dire « riche dans la même langue. C'est seulement le nom d plusieurs rois perses qui étaient, certes, opulents mais pas au point que leur nom soit devenu commun comme celui du roi de Lydie Crésus.

A la page 287 D. B. nous apprend que les Mayas décapitaient leurs prisonniers au sommet de leur pyramides. En réalité les prêtres de ce peuple, comme ceux des Aztèques, ouvraient la poitrine des victimes pour en arracher le cœur qu'ils offraient à leurs divinités.

Page 499, D. B. confond l'encéphale et les méninges. A partir de cette erreur il développe des considérations fumeuses sur une prétendue analogie entre le cerveau et le temple de Dieu.

Page 313, D. B., tout à sa passion antichrétienne,  parle de « la notion hérétique d'une terre sphérique ». L'histoire de la cosmographie n'est évidemment pas son fort. Les Grecs ont su très tôt que la terre était sphérique et en avaient calculé même les dimensions. Ces vérités n'ont jamais été contestées par les pères de l'Eglise bien qu'elles fussent en contradiction avec le sens littéral de certains passages de la Bible. C'est pourquoi Christophe Colomb n'a pas été accusé d'hérésie.  

D. B. prétend que Paracelse appartenait aux Rose-Croix dont pourtant les textes fondateurs déclarent explicitement que le grand ésotériste était étranger à la confraternité, au demeurant imaginaire.

Page 320, on lit que « des douzaines de grands scientifiques  (scientists) étaient membres [des Rose-Croix] tels que John Dee, Elias Ashmole, Robert Fludd ». En fait, ces personnages n'étaient  savants qu'en « sciences occultes ». De plus, ils ne pouvaient être comptés parmi les Rose-Croix pour deux raisons. 1° cette confraternité n'a jamais existé ; 2° étant censée être rigoureusement secrète à l'époque où elle fut inventée, celui qui se disait Rose-Croix était sûr de passer pour un imposteur. Les auteurs qui, comme Robert Fludd, en prenaient la défense, précisaient  toujours qu'ils n'étaient pas dignes d'y être accueillis.

Dan Brown se fait le champion de l'idéologie et de la mythologie de Francs-Maçons dans lesquels il fusionne les Rose-Croix. Pour cela, il lui faut ignorer la véritable histoire des uns et des autres dont je rappellerai quelques données.

Le fantasme des Rose-Croix est né avec la parution des manifestes anonymes Fama fraternitatis en 1614 et Confessio en 1615. Ces textes offraient une synthèse du  millénarisme (Joachim de Fiore), de la mystique chrétienne (Maître Eckart, Thomas a Kempis), de la tradition ésotérique, enfin, qui se réclamait de Pythagore, Hermès Trismégiste et Paracelse. L'auteur insiste sur cette dernière composante (qui comprend l'alchimie) au détriment des deux autres, trop chrétiennes à son gré. Il l'intègre à l'histoire que les Francs-Maçons se sont fabriquée, en y incluant les Templiers, à l'aide d'innombrables faussaires dont le principal est Kiesewetter. Les manifestes ont été rédigés par un cénacle de théologiens (ou plutôt théosophes) et d'érudits en « sciences occultes » ayant pour inspirateur Johann Valentin Andreae de Tubingen. Ils y exprimaient une aspiration à la rénovation spirituelle du luthéranisme rendu d'autant plus urgente qu'on approchait, selon eux, de la fin des temps. Leur but était donc sérieux mais pas le moyen utilisé, à savoir une plaisanterie ou encore un jeu (ludibrium) intellectuel. Devant la tempête soulevée par ces écrits attaqués par les uns, défendus par les autres, mais toujours pris au sérieux, leurs auteurs paniquèrent en s'apercevant que l'affaire devenait incontrôlable et pouvait les conduire au bûcher. Ils se retirèrent pour se consacrer à leurs affaires privées laissant exposé Andreae dont l'implication était généralement soupçonnée. Le malheureux dut passer sa vie à se disculper en dénonçant pour commencer les Rose-Croix inventés par lui. Cependant il revendiqua comme péché de jeunesse le roman initiatique intitulé Les noces chimiques de Christian Rosenkreutz qu'il prétendit avoir écrit en 1604 alors qu'il le publia en 1616 quand il avait trente ans. L'affaire prit fin en 1619 mais en 1623 d'autres plaisantins apposèrent nuitamment des affiches rosicruciennes à Paris. Un siècle plus tard naissaient à Londres les premières loges maçonniques sur la base des « constitutions » rédigés par James Anderson.  C'est à ce moment que commence l'histoire des Maçons et non à l'époque de la construction du temple de Salomon comme ils le prétendent et comme le répète le naïf Dan Brown. Celui-ci ajoute foi aux récits fantastiques concernant les nobles ancêtres de la maçonnerie parmi lesquels brillent les Rose-Croix. Il prend au sérieux les sornettes au sujet des savants de la stature d'un Newton qui en auraient été membres, si bien qu'il fait dire à son héros (pourtant censé être sceptique) que tout savant devrait lire les manifestes.      

   Pour conclure je ferai deux remarques :

- L'histoire des prétendus Rose-Croix qui forment aujourd'hui des organisations puissantes dans les pays anglo-saxons montre qu'un nom, un simple flatus vocis, suffit, parfois, à susciter le référent auquel il est censé renvoyer. Le pivot du roman d'Umberto Eco, Le pendule de Foucault, est cette même idée. En consultant divers documents, un des personnages de ce livre tombe sur le sigle T.R.E.S. que personne ne peut lui expliquer. Il suppose alors qu'il vaut pour Templi Redivivi Equites Synarchici soit Chevaliers Synarchiques du Temple Ressuscité. Tous les toqués férus  d'ésotérisme et de légendes templières se regrouperont alors sous cette bannière et finiront par tuer celui qui les avait involontairement appelés à l'existence.     

- Ma seconde réflexion porte sur le seul élément sérieux et hautement significatif du roman de D. B. qui, noyé dans la propagande pro-maçonnique, risque pourtant de passer inaperçu. Un des ressorts du conflit dans lequel se trouve impliqué le héros est la mobilisation de la CIA pour faire face à une « crise nationale voire mondiale ». Il faut à tout prix empêcher la catastrophe qui s'abattrait si les peuples prenaient  connaissance d'une réalité soigneusement cachée à savoir qu'ils sont gouvernés par une oligarchie liée par d'effroyables serments au sein d'une société secrète : celle de la maçonnerie internationale. Le héros se rallie à la CIA pour protéger le secret dont la révélation rendrait le monde ingouvernable.

12:21 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)

02/12/2009

Bertold Brecht et la démocratie directe

Un grand journal du soir exprime dans son éditorial daté du 2 décembre l'indignation que lui inspire la "votation" suisse contre les minarets. Il est opportun de rappeler à cette occasion une anecdote. En 1953 Neues Deutschland organe du Parti communiste en Allemagne de l'est blâma sévèrement les manifestants qui avaient affronté à Berlin les chars soviétiques. Le dramaturge Bertolt Brecht fit alors cette remarque: "Puisqu'il n'est pas question de changer de gouvernement, il faudrait sans doute changer de peuple".

P. S. ajouté le 5 décembre.

Dans ce même journal d'hier Agathe Duparc se montre sérieusement énervée par la démocratie directe en interrogeant Micheline Calmy-Rey chef de la diplomatie helvétique. Celle-ci lui répond: "si ce vote avait eu lieu ailleurs, en France par exemple, il aurait donné le même résultat." Autrement dit ce n'est pas la Suisse qui est xénophobe, c'est la France qui n'est pas démocratique.