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12/02/2010

La vérité chez Joseph de Maistre et Alain Badiou

Il y a une sentence de Joseph de Maistre que j'aime beaucoup à cause de son caractère à la fois tautologique et délicieusement absurde. "Aucune objection ne peut être admise contre la vérité". En un sens, c'est évident car les objections dans ce cas ne peuvent être que fausses. Cela me fait penser à la conception déclarative de la vérité chez Alain Badiou et ce, non sans raison, car chez de Maistre il s'agit d'écarter toute critique des vérités de la religion qui sont analogues à celles de l'athée Badiou. Il est cependant possible de projeter sur la citation une signification différente. Lorsqu'une vérité A semble en contredire une B (y faire objection) il ne faut pas renoncer à cette dernière mais en appeler à un supplément d'enquête qui permettra de surmonter cette contradiction.

 Voici mon dernier livre.

Kostas Mavrakis

DE QUOI BADIOU EST-IL LE NOM ?

Pour en finir avec le (XXe)Siècle

  Editions l'Harmattan, Collection Théôria, 13 €

 COMMUNIQUE DE PRESSE

Le sous-titre de ce nouveau livre de Kostas Mavrakis fait allusion à un ouvrage intitulé Le Siècle publié en 2005 par Alain Badiou. Il s’agit d’un penseur d’envergure longtemps méconnu qu’un pamphlet contre Sarkozy a rendu célèbre. Partisan d’une violence illimitée pour peu qu’elle se pare d’oripeaux « révolutionnaires », il excuse Staline, admire Mao Tsé-toung, fait l’apologie de la révolution culturelle et réserve ses traits aux « nouveaux philosophes » qui ont dénoncé le goulag. On peut sans être injuste le qualifier de  maoïste fossile conservé dans la strate sédimentaire des années soixante.

Les ouvrages proprement philosophiques de Badiou sont difficiles car il identifie l’ontologie aux mathématiques et mobilise celles-ci pour étayer indûment toutes sortes de thèses en matière de politique, de syndicalisme ou d’amour. Cela fait que personne ne se risque à les discuter. Kostas Mavrakis, longtemps disciple et camarade de Badiou, ne s’est pas laissé intimider. Armé d’une connaissance interne de sa pensée, il soumet celle-ci à une critique sévère mais courtoise qui rend clair ce qui semblait obscur. La motivation initiale de Mavrakis était la défense de l’art mais de fil en aiguille il a découvert les failles d’un discours dont l’ambition systématique est de couvrir tout le champ du savoir : métaphysique, éthique, esthétique, épistémologie, même si Badiou ne se sert le plus souvent de ces mots qu’en forme de dénégation.

Le livre de Mavrakis sera le bienvenu pour ceux que les outrances des positions politiques de Badiou exaspèrent tout en fournissant à ses partisans inconditionnels un contrepoids et d’utiles éléments de réflexion. Chacun pourra vérifier la pertinence des critiques de l’auteur en prenant connaissance de l’annexe II, consacrée à un échange de lettres avec Badiou à propos d’un article paru il y a quelques mois qui le prenait à partie.

 Table des matières

Préambule                                                                                    

Avertissement

9

 

I.  Un rebelle autoritaire et conformiste

11

 

II.  Israël contre l’universalisme extrémiste

21

1. La polémique Éric Marty - Alain Badiou

22

2. Portées du mot « juif »

24

3. Le droit d’Israël à l’existence

27

 

III. Saint Paul et la « mort de Dieu »

33

 

IV. Qu’est-ce que l’universalisme ?

41

 

V. Badiou philosophe : quelques repères

47

1. L’Être et la Vérité

47

2. Un matérialisme dialectique cartésien ?

51

 

VI. De l’inesthétique à l’anti-esthétique

55

 

VII.  Le non-art ou la nouvelle trahison des clercs

63

1. Le snobisme théoricien

63

2. Jacques Rancière : à la recherche de l’art subversif

66

3. Le Siècle d’Alain Badiou

72

 

VIII. Vous serez comme des dieux

87

 

Annexe I. Bévues mineures d’un philosophe majeur

101

Annexe II. Un échange de lettres avec Alain Badiou

105

 

Bibliographie sommaire

117

Index Nominum

121

 

Quatrième de couverture

Badiou est le nom oxymorique d’un libéralisme autoritaire, maoïste et moderniste. Il est aussi le nom d’un philosophe non négligeable sur lequel on peut s’appuyer pour combattre les mauvaises causes dans lesquelles il s’est fourvoyé. C’est ce qu’entreprend Kostas Mavrakis en poursuivant son frère ennemi dans les domaines de la politique, de l’esthétique et de la religion. Il étudie ce faisant les grands problèmes étroitement liés entre eux qui se posent à la pensée contemporaine. Comment définir l’art et le non-art qui en tient lieu aujourd’hui ? Peut-on encore envisager une politique volontariste de civilisation permettant au peuple de prendre en main son destin ? Quel serait le rapport d’une telle politique au fondement ultime des valeurs ? En quel sens notre survie en dépend-elle ? Sur tous ces points Kostas Mavrakis ne se contente pas de réfuter méthodiquement les thèses d’Alain Badiou, il propose des voies susceptibles de nous aider à surmonter les contradictions et les apories d’une pensée emblématique du nihilisme (post)moderne.

 Docteur en philosophie et en arts plastiques, peintre, ancien maître de conférences au département de philosophie de l’université de Paris VIII, Kostas Mavrakis fut l’animateur dans les années 70 de la revue maoïste Théorie et Politique. Il a publié des livres sur le trotskysme, la politique étrangère de la Chine, l’art et le non-art ainsi qu’une soixantaine d’articles

 

07/02/2010

Badiou face à la fin commune du marxisme et du capitalisme

Marx croyait connaître le sens de l'histoire mais celle-ci lui a joué un mauvais tour en s'engageant dans des voies qu'il n'avait pas prévues. Il affirmait que "l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes". En fait cette classe ne posède pas la capacité politique que lui attribuait Marx. C'est pourquoi les dirigeants des partis ouvriers ne se recruteront pas dans la catégorie sociale qu'ils étaient censés représenter et quand d'anciens ouvriers seront élus députés ils s'embourgeoiseront idéologiquement. Après la conquête du pouvoir par ces partis leur encadrement se transformera en une nouvelle bourgeoisie. Les moyens de production nationalisés n'appartenaient pas aux travailleurs mais à l'Etat et celui-ci appartenait à la bureaucratie, aux apparatchiks, à la nomenklatura.

A la veille d'Octobre, Lénine annonçait le dépérissement de l'Etat si bien que ce qui en resterait pourrait être dirigé par une cuisinière. Cet appareil se renforça au contraire et absorba pratiquement toute l'économie. Il devint alors évident que sa planification était moins efficace que l'anarchie du marché. En l'absence de concurrence, la bureaucratie n'avait pas le dynamisme des capitalistes. Ne pouvant tenir le rythme dans la course à l'innovation qui l'opposait à ses rivaux de l'ouest, sa faillite était inévitable. Ainsi l'échec des porteurs de l'idée communiste fut double. Ils trahirent leur idéal en échange du pouvoir, faisant au passage des victimes par dizaines de millions, et subirent à la fin une déconfiture ignominieuse et une damnatio memoriae.

Vers 1980, il devint évident pour la plupart des militants que le marxisme était mort et avec lui l'idée d'une politique autre que la gestion des contraintes. Alain Badiou, dont j'étais à l'époque très proche, disait que s'était avéré caduc ce qui avait « certifié le marxisme comme pensée de l'activité révolutionnaire » lui donnant « le droit de tirer des traites sur l'Histoire ». Ce crédit était noué à trois référents : - des Etats où la révolution avait eu lieu ce qui garantissait la possibilité de la victoire ; - des guerres de libération nationale dirigée par les communistes (Chine, Vietnam etc.) ; - le mouvement ouvrier dans les métropoles de l'Ouest.

Or dans les pays du « socialisme réellement existant », pas le moindre pas n'avait été franchi en direction d'un dépérissement de l'Etat et d'une transition vers des rapports sociaux égalitaires caractéristiques du communisme. C'était des dictatures mais sur le prolétariat. L'Archipel du Goulag avait révélé à un vaste public les horreurs du régime stalinien. Le matérialisme historique en tant que tel n'était certes pas  responsable des crimes commis en son nom. Dans la période 1918-1922, Karl Kautsky, surnommé « le pape du marxisme », avait prévu avec une précision les conséquences économiques, sociales, politiques du pouvoir léniniste, hérétique à ses yeux. Mais cette lucidité avait pour rançon l'abstention de toute activité révolutionnaire.

Au Vietnam, les communistes avaient à peine remporté la victoire qu'ils envahissaient le Cambodge et faisaient la guerre à la Chine. Celle-ci engagera aussi ses troupes contre l'URSS comme elle l'avait fait contre l'Inde ; pour d'excellentes raisons sans doute mais quand même !

  Dans les pays industrialisés enfin la classe ouvrière et les partis qui étaient censés la représenter avaient depuis longtemps cessé d'être révolutionnaires ne serait-ce qu'en apparence. Ils n'avaient plus ni couteau ni dents. En Pologne on devait bientôt assister à des luttes ouvrières dirigées par des catholiques contre les communistes.

L'effondrement du marxisme sonna le glas de nos illusions, ce qui est une bonne chose. Mais il représenta aussi un défi pour notre pensée. La politique révolutionnaire se voulait, comme disait Althusser, de l'histoire expérimentale qui promettait sur son objet une maîtrise égale à celle que nous devons aux sciences expérimentales proprement dites. En ce temps, nous nous considérions comme les acteurs d'un processus ayant du sens et non comme les jouets de forces chaotiques et aveugles d'un monde voué au hasard. En ce qui me concerne, il me fallut du temps pour chercher la lumière là où elle est. Je finis par comprendre cette pensée de Bossuet : « Regardez les choses humaines dans leur propre suite, tout y est confus et mêlé ; mais regardez-les par rapport au jugement dernier et universel, vous y voyez reluire un ordre admirable. » « Die Weltgeschichte ist das Weltgericht » dira plus tard Hegel. C'est par rapport au double sens du mot Weltgericht que se situe sur ce point mon opposition à Badiou car lui croit au « tribunal de l'Histoire », moi au tribunal de Dieu. Qui décidera lequel de nous deux est le plus superstitieux ? Il faut militer en pariant et en espérant que cette action entre de quelque façon dans les plans mystérieux de la Providence.

Le marxisme contient des thèses assez solides pour le munir d'une capacité d'auto-rectification grâce à laquelle il peut se débarrasser de beaucoup de scories tout en s'enrichissant de développements féconds. C'est pourquoi aussi longtemps que le capitalisme subsistera, les idées marxistes conserveront une certaine pertinence. Le regain de popularité qu'elles connaissent dans le sillage de la crise, autour en particulier d'Alain Badiou, en est un indice. Mais justement le capitalisme dont la tendance est l'illimitation touche à sa fin parce qu'il rencontre ses limites, celles de la terre. La mondialisation sur laquelle mise l'internationalisme prolétarien d'Alain Badiou présuppose l'énergie bon marché qui appartient d'ores et déjà au passé, non pas tellement que le pétrole s'épuise mais parce qu'il sera de plus en plus cher. Le capitalisme comptait sur des ressources gratuites et libres d'accès. Il lui faudra désormais tenter de survivre au régime de la rareté. On manquera de place pour les déchets, de terres arables pour se nourrir, d'eau pour les irriguer, de sources d'énergie fossile, de métaux, etc. Le refus de la finance mondialisée, avec les Etats-Unis et la Chine comme fer de lance, d'accepter des mesures destinées à sauver la biosphère rendra ces mesures encore plus draconiennes quand nous serons pris à la gorge. Or la reproduction élargie est la loi du capitalisme alors que la décroissance est la condition de notre survie. La chute de ce système contre lequel les armes de la critique marxiste s'étaient avérées impuissantes, un maître plus impérieux, je veux dire les contraintes environnementales, nous forcera de l'imposer.


[1] Cf. Alain Badiou L'hypothèse communiste p 18

16:14 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0)

31/01/2010

Une bévue de Nedim Gürsel

Vous connaissez le singe de la fable qui prenait le Pirée pour un homme. Je viens de rencontrer (dans les pages du Monde) un directeur du CNRS, turc de surcroît, qui prend la "Sublime porte" pour Constantinople, l'Istambul d'aujourd'hui, alors que cette expression vaut pour le gouvernement du Sultan. C'est à peu près comme si un Italien croyait que le "Saint-Siège" désigne la ville de Rome.

J'ai de la sympathie pour Nadim Gürsel, moins chauvin et bigot que nombre de ses compatriotes. Nous goûtons en outre tous les deux la poésie de Konstantin Kavafis et ce n'est pas rien. Je suis, cependant, forcé de dire qu'il lui reste encore beaucoup de travail à faire pour connaître l'histoire de sa ville. Il a écrit, paraît-il, Le Roman du conquerant. C'est en effet un roman et le "soutien apporté à Byzance par les Gênois et les Vénitiens" relève, lui aussi, de la fiction. Mais peut-être Gürsel n'est pas sensible à la nuance qui différencie en français "les" et "des".

Voir Le Monde du 31 janvier - 1 février

13:39 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)

28/01/2010

Conférence

Je prononcerai une conférence sur le thème "Le marxisme a-t-il un avenir?" ce mardi 2 février à 20 h au centre culturel Saint Paul, 12, rue saint Joseph, M° Sentier ou Grands Boulevards.

Permettez-moi de vous signaler aussi la parution dans Valeurs actuelles d'un article signé par moi et intitulé "Badiou contre les identités". Il occupe la page 24 dans le numéro du 28 janvier 2010.

16:40 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)