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17/12/2011

Houellebecq et le Souverain Bien

Houellebecq est honoré, on lui décerne le prix Goncourt, on l'invite sur les plateaux de télévision, mais les médias ne l'aiment pas. Sans le dire, ils lui en veulent de laisser entendre que la partouze permanente, style DSK, ne rend pas heureux. Or la débauche est une branche extrémiste du consumérisme et celui-ci est un des piliers du capitalisme et de son reflet idéologique : le matérialisme. Le mot d'ordre de beaucoup d'économistes est : "consommez, la main invisible fera le reste. La consommation est ainsi érigée en Souverain Bien et le Marché en Providence. Tels sont les misérables substituts de la religion.  

07/11/2010

"L'émancipation" cache-sexe de Rancière

Personne ne croit aujourd’hui que l’opposition gauche/droite héritée de la Révolution française soit particulièrement pertinente dans le débat d’idées. Elle fait tout au plus partie des étiquettes commodes à l’usage des journalistes et des politiciens. Pourtant Rancière (et Badiou), qui se prennent pour de profonds penseurs, ne peuvent se passer de ce genre de catégories simplistes surtout quand ils s’adressent aux médias. On les comprend. Ils éprouvent le besoin incoercible de se classer du bon côté. Quel est ce côté ? That is the question. Impossible de se réclamer sans ridicule du prolétariat, de la plèbe, des peuples luttant pour leur indépendance nationale, des lumières, du progrès. Faute de mieux, nos philosophes qui ne se sont pas trop creusé la tête, se sont rabattus sur des dichotomies plus floues. Pour Rancière, il y aurait la « domination » (concept emprunté à Bourdieu) qui fait correspondre l’ordre du pouvoir et celui du savoir. Lui ferait face « la pensée de l’émancipation » qui soutient le droit des « incompétents » à penser l’avenir et à décider du moment d’agir. L’auteur du Maître ignorant est, on le voit, fidèle à la ligne qu’il s’est tracée depuis longtemps. A première vue, on serait tenté d’y voir une pensée généreuse favorable à ceux d’en bas mais si l’on regarde de plus près, on risque d’être déçu. Rancière se reconnaît dans une communauté de gens qui réunit « les milieux de l’activisme politique, les activistes du monde de l’art et les chercheurs ». Ces derniers, comme le contexte nous le fait comprendre, ont déjà trouvé. Ils ont trouvé les têtes creuses des agitateurs prétendument de gauche engagés dans une alliance contre nature avec la spéculation anartistique. Tout cela se passe dans la tête de Rancière qui par ailleurs éprouve beaucoup d’estime pour les « études post-coloniales, les travaux sur le genre et la critique des identités » dans le monde anglo-saxon. Il ne s’est peut-être pas aperçu que les premières alimentent le racisme anti-européen, que les deuxièmes détournent l’attention de tâches politiques vitales et urgentes et que les troisièmes désarment ceux qui osent critiquer l’islamisme. Il reproche même à ces derniers de « déverser des fantasmes anti-arabes et antimusulmans ».   

Je signale que je prononcerai demain mardi 9 novembre à huit heure une conférence sur "La décroissance" au centre Saint Paul, 12, rue Saint Josèphe, M° Sentier.

14/07/2010

Une émancipation autoritaire

Deux petites remarques critiques sur des points abordés dans le récent livre d'entretiens d'Alain Badiou avec Fabien Tarby : La philosophie et l'événement.

Badiou veut imposer l'abolition de la division du travail et l'effacement des identités ethniques. Pour opérer de telles transformations et contraindre si fortement la nature humaine, il lui faudrait un pouvoir dictatorial féroce. Comment celui-ci serait-il compatible avec l'idéal de l'émancipation constamment seriné par Badiou? Peut-on émanciper en privant de liberté? Pour Badiou, la réponse est oui et c'est pourquoi il se réclame de Lénine, de Staline, de Mao Tsé-toung, voire de Pol Pot.

Badiou insiste sur le fait que "la notion d'ennemi est toujours à l'horizon de la politique" (p 12). Il est exact que la première question à laquelle l'homme d'Etat doit répondre concerne la désignation de l'ennemi. Cela ne doit pas le conduire au manichéisme. Il doit en effet tenir compte de ce que 1° nous avons des intérêts communs même avec nos pires ennemis; 2° l'ennemi d'aujourd'hui pourra devenir l'allié de demain. 

N. B. Il y a quelques jours j'ai dû supprimer à mon grand déplaisir un commentaire interminable (et confus). Les commentaires doivent être courts, concis et clairs. Je m'astreint moi-même à cette règle quand il m'arrive de répondre. 

01/07/2010

Les idées politiques de Badiou

Les idées politiques d’Alain Badiou sont incohérentes jusqu’à l’absurde. Il a, certes, raison  de voir dans le parlementarisme un déguisement sous des oripeaux démocratiques d’une oligarchie au service du grand capital. Mais cette critique n’est pas faite du point de vue d’une véritable démocratie qui permettrait à la très grande majorité de la population (au peuple) de prendre en main ses propres affaires et d’en décider en fonction de ses intérêts. Badiou rejette cette démocratie authentique tout autant que l’autre parce qu’elle serait le règne du nombre et des opinions majoritaires. Dans ces conditions c’est par pure démagogie qu’il abuse du mot émancipation. Que signifie l’émancipation si en son nom le pouvoir est réservé à ceux qui sont capables de distinguer la vérité de l’opinion commune (doxa) ? Qui désignera ces philosophes-rois ?  Badiou veut une société égalitaire où tout le monde serait « polyvalent » et ferait « un peu toutes choses », mais il ne dit pas quelle serait la nature du pouvoir qui imposera ce genre de rapports sociaux car il faudra imposer l’abolition de la division du travail. Cette mesure ne va pas de soi étant donné que nous n’avons pas tous les mêmes aptitudes.

Pour Marx le communisme n’était pas une simple idée (comme chez les socialistes utopiques d’antan et  chez Badiou) mais le mouvement objectif de transformation de l'état de choses et cela grâce à une force sociale  investie de cette mission. L’agent historique du communisme était une entité  internationale mythique constituée d’ouvriers d’industrie et douée d'une conscience et d'une volonté unitaire du moins tendanciellement. Marx la nommait « prolétariat ». Il y voyait une classe universelle en ce qu’elle avait vocation de prendre en charge les intérêts de l’humanité entière. Aujourd’hui personne ne croit plus en cette classe surtout en tant qu’elle serait appelée à devenir très majoritaire comme le pensait Marx. A la fin des années 1960 les ouvriers (y compris dans les transports selon la définition marxiste) représentaient plus de 41 % de la population active. En 2006 ils étaient tombés à 25%. Quand au parti communiste sensé les représenter il obtient aux élections environ 2 ou 4%. Sachant tout cela, Badiou est bien embarrassé quand on l’interroge sur l’agent historique susceptible de réaliser son idéal communiste. On comprend seulement qu’il place son espoir dans une autre catégorie sociale : les ouvriers immigrés (de préférence sans papiers). Et pour que l’idée communiste et l’internationalisme qui lui est associé disposent d’une base  plus large, Badiou proclame son « refus catégorique des ‘‘frontières’’ entre un Occident riche et arrogant » et la masse des pauvres du Tiers monde.

En partant de là on comprend mieux son rejet de toute démocratie. Celle-ci suppose en effet un cadre national autrement dit une langue, une culture, des références historiques communes qui rendent possible le débat. Ajoutons le sentiment d’avoir des intérêts communs faute de quoi le débat (fraternel) n’aurait pas d’objet. Pour discuter des affaires communes il faut qu'ily ait un "nous". Or les ouvriers n'ont pas de patrie martelle Badiou à la suite de Marx et nonobstant tous les démentis que l'histoire a infligé à cette vue de l'esprit. De plus le communisme, dit Badiou, est « une société délivrée de la règle des intérêts » qu’ils soient individuels ou de groupe[1]. Des immigrés qui, sous l’emprise de l’intégrisme islamiste, ne se définissent pas comme Français ni même comme Algériens ou Marocains mais seulement comme musulmans et qui considèrent que leur devoir est de servir les intérêts de l’Ouma, peuvent-ils être admis à participer à la vie politique française ? La problématique même de la démocratie comme type de régime dont on peut se demander s’il instaure un bon pouvoir (du point de vue des gouvernés), n’a pas de sens pour Badiou puisqu’il veut l’abolition de l’Etat et de tout régime politique.        

 


[1] En réponse à Frédéric Taddéi le 25 octobre 2007.